La mobilité des salariés en entreprise

Par Adrien KrasLe 19 décembre 2016

Si les aléas de la mobilité des salariés en entreprise ont pu inspirer une comédie aussi sympathique que « Bienvenue chez les Chti’s », ils sont bien souvent la source d’ennuis et de déconvenues pour le salarié. À l’inverse, il arrive que la mobilité des salariés en entreprise se fasse attendre comme cette promotion promise par votre patron…

Mise en lumière

Quelle que soit votre situation, cet article vous renseignera sur la mobilité géographique et fonctionnelle du salarié qui peut être contrainte, souhaitée ou proposée dans le cadre d’un accord de mobilité interne.

Mobilité des salariés en entreprise & lieu de travail

En l’absence de clause de mobilité, si le contrat prévoit de façon claire que le travail sera effectué en un lieu exclusif et précisément déterminé, l’employeur ne peut imposer au salarié un changement de lieu de travail. Il s’agirait en effet d’une modification du contrat (Cass. Soc 15 mars 2006 n°02-46.496). Mais ce type de clause est assez rare et, en principe, la mention du lieu de travail dans le contrat n’a qu’une valeur indicative. L’employeur peut donc imposer au salarié une mutation au titre d’un changement des conditions de travail, à condition de rester dans le même secteur géographique.

À défaut, il s’agit d’un changement du contrat de travail réclamant l’accord exprès du salarié (Cass. Soc 3 mai 2006 n°04-41.880).

Cela aurait été très clair si le juge avait pris la peine de définir la notion de changement de secteur géographique ! Ce dont il s’est malheureusement abstenu… Il semblerait toutefois que les facilités de transport doivent être prises en compte (Cass. Soc. 15 juin 2004 n°01-44.707). On sait également que cette notion doit être appréciée de manière objective, et non en fonction de la situation particulière de chaque salarié. Peu importe donc que celui-ci n’utilise jamais les transports en commun et ne voit son trajet domicile-lieu de travail rallongé que d’une trentaine de minutes (Cass. Soc. 4 mai 1999 n°97-40.576).

Bien entendu, ces règles tenant à la mobilité des salariés en entreprise ne concernent pas le déplacement occasionnel qui peut être imposé au salarié dont les fonctions supposent une certaine itinérance.

Ce qui est le cas, par exemple, d’un assistant-chef de chantier (Cass. Soc 2 avril 2014 n°12-19.573). À défaut, le déplacement occasionnel en dehors du secteur géographique ne peut être imposé que dans une situation exceptionnelle, en raison des intérêts de l’entreprise et à condition d’informer le salarié de la durée estimée de l’éloignement (Cass. Soc 3 février 2010 n°08-41.412).

Clause de mobilité des salariés en entreprise

La clause de mobilité des salariés en entreprise est celle par laquelle le salarié s’engage par avance à accepter toute mutation géographique dans un secteur déterminé. Gare aux surprises ! Il convient donc d’être très attentif lors de la signature d’un contrat de travail prévoyant une telle stipulation. En tout état de cause, une telle clause de mobilité n’est valable qu’à condition d’être limitée à une zone géographique bien déterminée. L’employeur ne peut, par ailleurs, se réserver la possibilité d’en modifier l’étendue à sa guise.

Jurisprudences

Est ainsi licite, car suffisamment précise la clause couvrant l’intégralité du territoire national (Cass. Soc. 9 juillet 2014 n°13-11.906). Au contraire, est nulle car trop imprécise la clause visant l’intégralité de la « zone d’activité » de l’entreprise, dès lors que celle-ci s’est par la suite élargie jusqu’à couvrir l’ensemble du territoire français (Cass. Soc. 7 juin 2006 n°04-45.846).

L’important est donc que le salarié ait pu se rendre compte de la portée de son engagement au moment où celui-ci a été consenti.

La mobilité des salariés en entreprise prévue par le contrat de travail connaît cependant une limite : l’abus de droit. L’application d’une clause de mobilité doit en effet être invoquée de bonne foi par l’employeur. Est ainsi abusive la mutation imposée à un salarié dont la femme est enceinte de 7 mois sur un poste auquel auraient pu être affectés d’autres salariés (Cass. Soc. 18 mai 1999 n°96-44.315).

Mobilité des salariés en entreprise sur le plan fonctionnel

L’employeur peut vous imposer un changement de poste à condition que cette nouvelle affectation corresponde à la nature de vos fonctions et ne s’accompagne pas d’un changement de qualification. À défaut, il s’agit d’une modification de contrat de travail nécessitant votre accord, même en présence d’une rétrogradation prononcée à titre de sanction.

Question

Mais comment détermine-t-on s’il s’agit d’une telle modification ?

La notion de qualification fait avant tout référence aux différentes catégories d’emploi (ouvrier, employé, techniciens et agents de maîtrise, cadre) ainsi qu’à classification opérée par la convention collective applicable. Celle-ci dépend donc du niveau de diplôme du salarié, mais également de son expérience et de ses compétences professionnelles. La notion de nature des fonctions est quant à elle plus suggestive et sera appréciée au cas par cas. Ainsi, le fait d’affecter un animateur radio à une nouvelle émission de 14h00 à 16h00 en lieu et place de celle qu’il présentait de 17h00 à 19h00 ne s’analyse pas en une modification du contrat de travail (Cass. Soc. 18 juillet 2001 n°99-45.076).

En revanche, un conducteur de travaux ne saurait se voir imposer une affectation au poste de contrôleur de gestion (Cass. Soc. 18 janvier 2011 n°09-42.540).

En tout état de cause, dès lors que le changement de fonction s’accompagne de la modification subséquente d’un élément essentiel du contrat de travail, votre accord est nécessaire. On pense notamment à une modification de la rémunération, de la durée du travail ou un chamboulement des horaires. Mais la mobilité des salariés en entreprise n’est pas que contraintes et désagrément… Il est donc envisageable d’accepter une promotion proposée par  votre employeur (cela arrive, paraît-il…).  L’entretien professionnel biennal, consacré aux perspectives d’évolution du salarié, est l’occasion d’aborder ce sujet avec lui (article L6315-1 du code du travail). N’oubliez pas, par ailleurs, que l’employeur est responsable de l’adaptation du salarié à l’évolution de son poste de travail (Cass. Soc. 13 juillet 2010 n°08-44.121).

Vous serez donc en droit d’exiger un complément de formation nécessaire à l’exercice de vos nouvelles fonctions.

Accords de mobilité interne

Dans le but d’anticiper le changement économique, l’employeur a la possibilité d’engager une négociation collective sur la mobilité des salariés en entreprise (article L2242-17 du code du travail). L’accord de mobilité ainsi passé avec les organisations syndicales a pour objectif de permettre à l’employeur d’assurer l’adaptabilité de l’entreprise par le biais d’une réorganisation fonctionnelle et géographique des effectifs. L’accord doit préciser la zone géographique dans laquelle peut s’opérer la mobilité territoriale et prévoir des mesures propres à sauvegarder les intérêts tant personnels que professionnels des salariés. Notamment, les modifications proposées doivent garantir le niveau de rémunération du salarié et ne peuvent aller que dans le sens d’une amélioration de sa qualification professionnelle (article L2242-18 du code du travail).

Précision de l'auteur

L’accord de mobilité interne ainsi conclu ne peut être mis en œuvre par l’employeur qu’à l’issue d’une période de concertation visant à prendre connaissance de la situation personnelle et familiale de chacun des salariés visés.

Des mesures de mobilité peuvent ensuite leur être proposées à titre de modification du contrat de travail. Un délai de réponse d’un mois est laissé à l’intéressé pour faire connaître son refus, son silence valant acceptation. En cas de refus, le salarié s’expose à un licenciement pour motif économique, mais pourra bénéficier de mesures de reclassement et d’accompagnement spécialement prévues par l’accord.

En cas d’acceptation, les clauses du contrat de travail contraires aux dispositions de l’accord se trouveraient suspendues (article L2242-19 du code du travail).

Auteur de l'article: Adrien Kras

Titulaire d’un Master 2 en Droit et du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat, Adrien KRAS a prêté sa collaboration au sein de divers cabinets au service d’une clientèle de particuliers et d’entreprises de toutes tailles. Spécialisé en droit social, il exerce actuellement en qualité de juriste conseil au sein d’une organisation professionnelle.