Abus et clause de non-concurrence

Par Fabrice AllegoetLe 8 avril 2015

La clause de non-concurrence interdit au salarié, à l’expiration de son contrat de travail, d’exercer certaines activités professionnelles susceptibles de nuire à son ancien employeur. Les salariés, les cadres en particulier, sont souvent confrontés à cette disposition inscrite dans le contrat de travail. Lors de son embauche, il est difficile d’indiquer à son employeur son souhait de voir cette clause de non-concurrence supprimée du contrat. Puis, une fois le contrat signé, il devient délicat d’ignorer son existence et son éventuel impact.

Pour autant, une telle clause n’est pas toujours applicable car les employeurs ne respecteraient pas toujours les obligations qui y sont attenantes. Très souvent, ils omettent d’indiquer dans les délais légaux la levée ou leur souhait d’appliquer cette disposition à l’issue de la rupture du contrat de travail. Parfois, ils n’ont pas inscrit dans le contrat, les conditions requises pour qu’une telle clause puisse d’une part être opposable au salarié et d’autre part, applicable sans restrictions.

Il faut négocier l’application d’une telle mesure selon la nature de la rupture

Soulignons, cela nous semble important, que l’application de l’interdiction de concurrence peut être limitée à certains cas de rupture du contrat de travail (Cass. soc. 6 janvier 2010, n° 08-41357). Autrement dit, si c’est l’employeur qui décide de me licencier (motif personnel ou économique), il semble justifié qu’il renonce à l’application d’une telle clause. Si ce n’était pas le cas, cela pourrait être considéré par le salarié comme une sorte de double peine compte tenu du préjudice que cause la perte de son emploi et de celui qui tend à réduire ses chances d’en retrouver un dans un secteur d’activité que l’on connait. Il ne faut donc pas hésiter à négocier une application selon la nature de la rupture pour en limiter la portée. Toutefois, rien n’oblige l’employeur en ce sens.

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de non-concurrence ?

Une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise (Cass. soc. 9 avril 2008, n° 07-41289) ; elle est limitée à la fois dans le temps et dans l’espace ; elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié ; elle comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière et ce, même si la convention collective n’en prévoit pas (Cass. soc. 2 mars 2005, n° 03-42321).

Si ces obligations a minima ne sont pas précisées dans votre contrat, la contestation de cette clause semble plausible ; il conviendra de le vérifier d’autant que les conditions de validité sont cumulatives. Si une seule de ces conditions n’est pas respectée, la clause est nulle. Elle est donc réputée n’avoir jamais existé.

Sur le montant de l’indemnité, il n’y a réellement de cadre sinon que les juges ont écarté ce qui constituait des abus. Par exemple, pour les juges, une contrepartie financière d’un montant dérisoire équivaut à une absence de contrepartie. La clause de non-concurrence en cause est donc nulle (Cass. soc. 27 novembre 2013, n° 12-23740). Par ailleurs, si le salarié est soumis à l’interdiction de concurrence, la contrepartie financière lui est due sans pouvoir être minorée selon le type de rupture du contrat de travail – licenciement pour faute grave ou démission (Cass. soc. 20 février 2013, n° 11-17941). Enfin, le montant de la contrepartie ne peut pas être fixé exclusivement en fonction de la durée d’exécution du contrat de travail. Cela signifie qu’une indemnité dont le montant serait indexé uniquement sur l’ancienneté du salarié est nulle (Cass. soc. 7 mars 2007, n° 05-45511).

L’employeur doit donc évaluer avec loyauté et probité, le montant de la contrepartie afin qu’elle soit proportionnelle à la contrainte que suppose l’application d’une clause de non-concurrence à l’égard du salarié.

L’employeur doit indiquer clairement l’option retenue au salarié

Une clause de non-concurrence ne s’applique pas de fait d’autant que la renonciation de l’employeur à l’application de la clause de non-concurrence libère le salarié de l’interdiction de concurrence et l’employeur de son obligation de verser l’indemnité de non-concurrence prévue. L’employeur qui ne lève pas clairement l’obligation de non-concurrence doit verser l’indemnité prévue au salarié.

Il est donc impératif que l’employeur s’exprime sur l’option retenue afin que le salarié sache ce qui l’attend. Il faut rappeler également que l’employeur ne pourra renoncer à l’application de la clause de non-concurrence que si cette possibilité est expressément prévue par le contrat de travail ou la convention collective (Cass. soc. 22 février 2006, n° 04-45406).

Il faut vérifier que le délai de renonciation est fixé dans le contrat de travail ou la convention collective. Le délai de renonciation se calcule de date à date, sans qu’il y ait à déduire les samedis, dimanches et jours fériés. Le point de départ du délai de renonciation est la date de rupture du contrat de travail. Le respect du délai de renonciation s’apprécie à la date d’envoi de la lettre de renonciation et non à celle de la réception de cette lettre par le salarié (Cass. soc. 10 juillet 2013, n° 12-14080).

Auteur de l'article: Fabrice Allegoet

Fabrice ALLEGOET est un formateur confirmé et certifié en droit social qui s'est spécialisé dans différentes matières (santé et sécurité au travail, RSE et développement durable, management et communication en entreprise). Il est l'animateur des Podcasts "Le CSE En Clair" et "Le Droit de Savoir by CÉOS".