Le contrôle des horaires de travail

Par Isabelle Vidal-LeonLe 2 septembre 2018

Le contrôle des horaires de travail soulève de nombreuses questions chez les salariés. En effet, ils s’interrogent sur la légalité des systèmes de contrôle utilisés par l’employeur. Le comportement des salariés évolue selon qu’ils se savent contrôlés ou non. Il semblerait que le pointage des heures de travail ne soit pas toujours bien accueilli.

Question

Alors, pourquoi les employeurs sont-ils clients du décompte des heures de travail ?

Je vais vous expliquer comment ce contrôle est mis en œuvre dans la plupart des entreprises. L’objectif de cet article est de répondre aux questions de droit les plus élémentaires. Notez que certains salariés confondent – temps de présence et temps de travail effectif. Il ne fait pas de doute que les employeurs souhaitent aussi corriger cette confusion.

Le contrôle des horaires de travail chasse la confiance

Soyons clairs à ce propos. Le contrôle continu de l’activité des salariés entraîne une certaine méfiance à l’égard des personnes visées. L’employeur indique indirectement qu’il ne fait pas confiance aux salariés pour gérer leur temps de travail effectif. Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi certains employeurs sont obnubilés par la vérification du temps de travail ? Ils sont quelques-uns à craindre les tire-au-flanc. Pour s’en prémunir, la confiance laisse place à la surveillance rapprochée.

L’objectif est sans conteste d’assurer la productivité et donc la rentabilité de l’activité.

De nos jours, les nouvelles technologies permettent d’organiser plus aisément le contrôle des horaires de travail. Les employeurs le savent bien et ne cherchent pas à s’en priver, bien au contraire. La loi nous rappelle cependant les limites à ne pas franchir. Le cas échéant, les salariés pourront rappeler l’employeur à l’ordre. Dans le pire des cas, la violation de leurs droits sera tranchée par le conseil de prud’hommes. Le suivi du temps de travail n’est en définitive pas sans risques.

Définition du temps de travail effectif

Rappelez-vous que deux notions s’affrontent lorsqu’il est question de parler du temps décompté dans l’entreprise. Légalement, le temps de travail effectif se définit comme le temps où le salarié exécute sa mission. Par conséquent, durant cette période, il répond uniquement aux ordres de son employeur. Il n’est aucunement accaparé par des affaires personnelles (article L3121-1 du Code du travail). À l’inverse, le temps de présence, c’est la réunion de plusieurs périodes de la journée du salarié.

Par exemple, un temps de pause pour fumer une cigarette est défalqué du temps de travail.

Étant donné que durant ce temps, le salarié est afféré à autre chose que son activité, ce temps n’est pas comptabilisé. Dans un autre ordre d’idées, la pause-café ou déjeunatoire suit logiquement ce raisonnement. De facto, la durée de ces pauses s’ajoute à la durée du temps de travail dû à mon employeur. En bout de chaîne, on obtient le temps de présence du salarié dans l’entreprise.

Ajoutons que certains temps de présence sont considérés par la législation comme du temps de travail effectif.

C’est le cas par exemple des heures de délégation des représentants du personnel. Le temps de trajet du bureau chez le client est compté comme du temps de travail payé. Certaines conventions collectives vont plus loin que le Code du travail. Ainsi, un temps d’habillage et de déshabillage s’assimile comme du temps de travail. Une pause déjeuner où le salarié doit rester à la disposition de l’employeur (sorte d’astreinte) est obligatoirement rémunérée.

De ce fait, ces situations participent à une vraie confusion dans l’esprit des salariés. Dans le doute, il est sage d’en référer à un conseil juridique.

Les salariés sont informés du contrôle des horaires de travail

Avant d’activer un dispositif de contrôle des horaires de travail, l’employeur en informe les salariés (article L1222-4 du Code du travail). Préalablement à cette information, l’employeur consulte le comité social et économique. Cette consultation obligatoire donne l’occasion aux élus de s’interroger sur les motivations de l’employeur (article L2312-38 du Code du travail). Pour ce dernier, il peut expliquer la forme que prendra le contrôle des horaires de travail.

Pourquoi le contrôle des horaires de travail est utile ?

Un salarié doit effectuer un nombre d’heures chaque jour. Ce temps est fixé par le contrat de travail le plus souvent ou résulte d’un cadre collectif. Tout le monde doit être en mesure de distinguer le temps de travail ordinaire d’un temps exceptionnel. Le décompte des heures de travail aide à opérer une distinction entre les deux. Cela permet en outre d’isoler du temps dû à l’employeur, le temps de travail supplémentaire. Lors d’un contrôle de l’inspecteur du travail, l’employeur doit justifier la durée effective de travail de chaque salarié.

Dans une majorité d’entreprises, ce décompte prend la forme d’un relevé des heures travaillées.

Comme je l’ai dit précédemment, la confiance en matière de temps de travail n’est pas de mise. Mais à bien considérer les choses, c’est également dans l’intérêt des salariés. Toute heure de travail effectuée est payée soit au taux normal soit à un taux majoré. Le salarié a intérêt à faire la différence. La loi précise de son côté qu’en l’absence d’un horaire commun, le temps de travail est décompté selon deux formats. D’abord quotidiennement, ensuite hebdomadairement (article D3171-8 du Code du travail). Pour ce dernier cas, il s’agit d’un récapitulatif de la semaine.

Il appartient à l’employeur d’indiquer la manière dont le temps de travail sera donc recensé.

Automatiser le contrôle des horaires de travail devient évident

L’ère du numérique bouleverse depuis longtemps nos anciennes habitudes. Les processus sont de plus en plus automatisés via des systèmes logiciels. Le « cloud » simplifie davantage l’accès à ces outils. Les espaces collaboratifs en ligne deviennent légion. Dans ces conditions, l’employeur choisit la solution la plus adaptée à ses besoins. S’il désire contrôler l’activité des salariés et décompter leur temps de travail, l’instauration d’un système de pointage s’impose. Il devra respecter néanmoins certaines obligations en commençant par déclarer ce procédé à la CNIL.

Au sein d’un grand nombre d’entreprises, les salariés badgent le matin et le soir.

Cela permet de les identifier en tenant compte de l’amplitude horaire de ce dernier. Néanmoins, ce relevé de présence n’est pas toujours utilisé pour le contrôle des horaires de travail. Parfois, il se résume à des mesures de sécurité et subséquemment de droits d’accès aux locaux. Dans d’autres cas, le fait de badger influence directement sa fiche de paie. Les données collectées par la pointeuse sont envoyées pour traitement au service RH. Ce sont à partir de celles-ci que le salaire est calculé. C’est dire l’importance de ces informations.

Les salariés qui échappent au contrôle des horaires de travail sont généralement rémunérés au forfait.

Le contrôle repose sur le respect des limites

Le décompte des heures de travail s’impose juridiquement à l’employeur dans de nombreuses situations professionnelles. C’est pourquoi il est peu probable de pouvoir y échapper. À y regarder de plus près, c’est tout autant dans l’intérêt du salarié. Ce dernier pourra si le cas se présente, faire valoir le paiement d’heures supplémentaires. Autrement dit, les parties sont censées valoriser le temps de travail effectué. L’employeur s’assure que le salarié travaille le temps imparti. Le salarié exigera de l’employeur le paiement de toutes les heures effectuées.

Obligatoire

Quelles que soient les raisons, le contrôle de la durée de travail des salariés s’effectue dans le respect de la vie privée.

Le recours à un système automatisé oblige les employeurs à la prudence. Celui-ci doit être fiable et infalsifiable. Tous les salariés peuvent accéder aux données personnelles les concernant s’ils en font la demande. La nature du système retenu doit être proportionnelle aux objectifs attendus. Les tribunaux sanctionnent sévèrement toute disproportion dans le mode opératoire et la finalité de l’organisation. Par exemple, le fait de recourir à la géolocalisation systématique des salariés pour contrôler leur temps de travail est illégal. Dans la même veine, la nature des activités conduit parfois à user d’un système de contrôle biométrique. C’est admis dès lors que cela se justifie dans les faits.

Concluons en rappelant les points essentiels :

Le temps de travail effectif est différent du temps de présence. L’employeur met en place les processus de décompte du temps de travail. Il doit être en mesure de présenter en cas de contrôle, les relevés d’activité. Pour le salarié, ce décompte le préserve de tout travail non rémunéré. Il est question finalement d’exécution de bonne foi du contrat de travail. Contrôler les horaires de travail ou l’activité des salariés repose toutefois sur des règles. La consultation des élus et l’information préalable des salariés sont par exemple obligatoires.

Dans tous les cas, un employeur qui contrôle les heures de travail se conforme aux mesures prévues par la loi.

Auteur de l'article: Isabelle Vidal-Leon

Juriste en droit privé et droit social, Isabelle exerce en indépendante depuis quelques années le métier de conseil aux entreprises et de formatrice en droit social. Elle travaille également depuis quelques années comme consultante auprès des particuliers pour le traitement de litiges divers liés au travail.