Démissionner est un droit encadré

Par Florian BenoistLe 1 juillet 2015

Depuis longtemps, les salariés peuvent donner congé à l’employeur sans nécessairement entrer dans le détail des raisons qui les y conduisent. Cependant, il y a des règles à respecter à commencer par l’observation d’un préavis (appelé aussi délai-congé) ; celui-ci varie selon le statut du salarié (cadre, non cadre) dans l’entreprise et éventuellement, selon son ancienneté. La démission intervient à l’initiative du salarié dès lors que celui-ci est détenteur d’un contrat à durée indéterminée ; en effet, cette faculté de rupture du contrat de travail n’est ouverte qu’au CDI (article L1231-1 du code du travail).

La démission ne doit pas être équivoque

Le salarié est libre de démissionner et cette faculté n’est pas soumise à l’autorisation de l’employeur (Cass. soc. 11 juill. 2006, n° 04-45.847). Il convient en revanche de s’assurer que ce dernier n’y soit pas contraint et que ne demeure aucune forme d’ambiguïté entre la volonté manifestée par le salarié de quitter l’entreprise et les réelles motivations qui le poussent à la démission. Autrement dit, tout doute doit être levé quant au fait qu’il puisse s’agir d’une démission non manifeste ou contrainte.

Il a déjà été jugé que certaines décisions souvent spontanées voire irréfléchies, prises à l’occasion d’un conflit, ne peuvent pas traduire une réelle volonté de mettre fin unilatéralement à son contrat de travail.

Ainsi, un salarié qui démissionnerait en étant sous le coup de la colère (Cass. soc. 7 avr. 1999, n° 97-40689) peut obtenir sa réintégration dans l’entreprise ; les juges considéreront cet acte comme n’étant pas manifeste d’une volonté réelle de rompre son contrat de travail.

De même, qu’exprimer son intention de démissionner dans un état de fatigue certain, ne peut suffire à caractériser un acte de démission (Cass. soc. 18 janv. 2012, n° 10-14.114). Il va de soi également que lorsqu’en raison de pressions exercées par l’employeur, un salarié démissionne (dans cette affaire, il s’agissait d’une menace d’un licenciement pour faute lourde et du dépôt d’une plainte), il peut demander la réparation du préjudice compte tenu qu’il n’a pas clairement souhaité démissionner ; en effet, les conditions de la démission ne sont pas réunies sous l’effet de la contrainte (Cass. soc. 25 juin 2003, n° 01-43760).

Le préavis doit-il être effectué ?

Dans bien des cas, le préavis est dû ; il est prévu dans le contrat de travail ou il résulte également de dispositions conventionnelles (article L1237-1 du code du travail). En revanche, l’employeur peut à son initiative dispenser le salarié de l’effectuer et le salarié ne peut s’y opposer (Cass. soc. 13 juillet 2004, n° 02-14140). En contrepartie, le salarié percevra l’intégralité des rémunérations et avantages qu’il aurait perçus s’il avait normalement effectué son préavis (article L1234-5 du code du travail).

Cette indemnité de préavis doit notamment prendre en compte les primes et autres compensations inhérentes à la nature du travail comme la prime d’intéressement (Cass. soc. 4 février 2009, n° 07-40156) ; il a été rappelé par un récent jugement également que lorsque les RTT non pris n’ont pu être liquidés des causes d’une décision de l’employeur (dispense de préavis), le salarié percevra une indemnité équivalente à la valeur des jours perdus (Cass. soc. 18 mars 2015, n° 13-16369).

Le salarié peut demander à écourter ou à être dispensé de préavis. Dans ces cas-ci, si l’employeur abonde totalement ou partiellement dans le sens d’une telle demande, celui-ci n’est tenu en revanche à aucune compensation financière (Cass. soc. 25 sept. 2013, n° 11-20948). L’employeur n’est toutefois pas tenu d’accepter et peut souhaiter du salarié qu’il exécute le préavis auquel il est tenu (Cass. soc. 11 octobre 2006, n° 05-45179) ; à défaut, le salarié commettrait une faute.

Comment dois-je formuler ma demande de démission ?

Une démission annoncée verbalement peut être recevable mais il est tout de même conseillé de rédiger un courrier manuscrit ou dactylographié, signé de votre main où il est fait mention de votre intention de démissionner. Ce courrier peut être remis en main propre contre décharge à l’employeur ou envoyé en recommandé avec avis de réception. Une lettre est un document qui permet légalement de démontrer le caractère sérieux et non équivoque de la démarche entreprise par le salarié (Cass. soc. 17 mai 2000, n° 98-45209). Cela fixe également le point de départ du préavis qui se situe en principe au jour de la notification de la démission (Cass. soc. 5 déc. 1974, n° 73-40376).

Puis-je me rétracter et rester au service de mon employeur ?

Dans le cadre d’une démission clairement établie, la rétractation qui s’en suivrait ne permettrait pas au salarié de retrouver son poste. En effet, un employeur n’est pas tenu d’accepter la rétractation d’un salarié démissionnaire. Ainsi, une démission claire et non équivoque est réputée définitive et irréversible (Cass. soc. 5 déc. 1974, n° 73-40376).

Il existe cependant des cas où la rétractation d’un salarié qui avait démissionné, a pu être jugée comme opposable à l’employeur. Il s’agit le plus souvent de situations inédites où les circonstances plaident en faveur du salarié d’autant que les juges ont pu déterminer que la démission ne reposait pas sur une réelle intention pesée et réfléchie.

Ainsi, un salarié sujet à un état dépressif et psychotique qui rédigea une lettre démission a pu se rétracter compte tenu que son état était de nature à altérer son consentement (Cass. soc. 2 juill. 2008, n° 07-40942). Dans une autre affaire, un salarié donna sa démission le jour où il apprenait qu’il faisait l’objet d’une mesure de licenciement pour faute grave ; la rétraction qui survenait 7 jours plus tard fut jugée recevable annulant ainsi l’acte de démission qui précéda (Cass. soc. 5 déc. 2012, n° 11-14440).

Lorsque la rétraction repose sur des éléments tangibles, tout refus d’en prendre acte par l’employeur peut entraîner la requalification de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 18 décembre 2013, n° 12-28788).

Aussi, si la rétractation du salarié repose sur des circonstances qui démontrent toute absence de volonté de démissionner, l’employeur ne peut pas rompre le contrat de travail à l’initiative du salarié.

Auteur de l'article: Florian Benoist

Juriste en droit social depuis 5 ans, Florian est un jeune dynamique et talentueux qui a œuvré dans différents cabinets d’avocats avant de prendre son envol en tant qu’autoentrepreneur. Il est désormais consultant et formateur à son compte et travaille notamment pour des TPE, associations, syndicats et des comités d’entreprise.