Diminution des responsabilités du salarié

Par Aurelia De CilliaLe 5 mars 2017

La diminution des responsabilités du salarié incarne un appauvrissement des missions de la personne, c’est le début d’un désamour entre l’entreprise et son poulain. Une relation de travail c’est comme un mariage, on s’engage « pour le meilleur et pour le pire ». Vous avez sans doute déjà entendu parler de « gérer son couple comme une entreprise », ou « un couple c’est comme une entreprise ». En effet, la conclusion d’un contrat de travail, lien contractuel délimitant la relation, peut s’assimiler à un contrat de mariage, départ officiel du régime matrimonial choisi. Socialement, le jour du mariage peut constituer le plus beau jour de votre vie, tout comme pour certain l’obtention du « sacré » CDI. Comme toutes choses, elles évoluent avec le temps, changements, obstacles rencontrés…  

Certains « couples » le gèrent mieux que d’autres. On peut parfois entendre lors d’une dispute de couple « tu ne portes plus attention à moi », alors qu’un couple fonctionne à deux.

Voici une illustration de la diminution des responsabilités du salarié dans une entreprise. Lors de la signature d’un contrat de travail, les deux parties après une négociation, s’entendent sur des éléments dits « contractuels » : la qualification du salarié, la rémunération, le lieu de travail et la durée de travail. Ces éléments constituent le socle du contrat. Si l’un des points change, on parlera de « modification du contrat de travail » nécessitant l’accord des deux parties signataires. Le changement des horaires impliquant pour le salarié de passer d’un horaire en journée à un horaire de nuit, constitue une modification du contrat de travail qui appelle impérieusement à son accord (Cass. Soc. 20 janvier 2010, n°08-43.236).

La modification du contrat de travail se différencie d’un simple changement des conditions de travail dont la décision appartient à l’employeur.

Dans l’hypothèse d’une décision prise de manière unilatérale, elle ne touche pas aux éléments contractuels précités. Ainsi, l’employeur peut modifier l’affectation de ses salariés, dans une ville à 60 kilomètres de la ville initiale, si cette nouvelle ville est toujours dans le département et le même bassin d’emploi (Cass. Soc. 23 mai 2013, n°12-15.461). La condition est de respecter une certaine zone géographique car à défaut il s’agira réellement d’une modification du contrat de travail.

Notion de « diminution des responsabilités du salarié »

Le contrat de travail implique des obligations pour les deux parties. Dans le meilleur des mondes, l’employeur ne changera pas le poste de travail du salarié et celui-ci sera toujours investi d’une charge de travail dynamique à la hauteur de ses compétences. Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi (article L1222-2 du code du travail), et les relations de travail doivent évoluer tout en respectant le contrat conclu, quels que soient les changements que l’entreprise subit. Si l’employeur soustrait au salarié une large part de ses responsabilités, tout en maintenant sa qualification et sa rémunération, il y a nécessairement modification du contrat de travail (Cass. Soc. 10 mai 2012, n°10-21.690). C’est notamment le cas lorsqu’il y a modification des missions en tant que tel. Un directeur originellement responsable des négociations avec les enseignes nationales de la grande distribution s’est retrouvé à développer la distribution hors grandes et moyennes surfaces.

Cas pratique

Clairement, le segment de travail est passé de la grande distribution à des enseignes privées se répercutant sur sa charge de travail par une diminution de ses responsabilités (Cass. Soc. 28 janvier 2005, n°03-40.639). Même constat, lorsqu’à la suite d’une réorganisation, un directeur d’agence se voit réduire le nombre de salariés sous sa subordination tout en se retrouvant lui-même sous la subordination d’un supérieur hiérarchique régional (Cass. Soc. 6 octobre 2010, n°09-41.577).

Il y a eu diminution des responsabilités du salarié par la réduction des personnes à manager et il perd également une part de son autonomie par la présence de son supérieur hiérarchique. La responsabilité de l’employeur face à la diminution des responsabilités du salarié est un engagement à 360 degrés. En effet, non seulement il doit veiller à respecter ses engagements au sein de sa structure (modification interne, réorganisation …) mais également envers l’action d’un tiers (client). Une chute de la charge de travail du fait de la résiliation de plusieurs contrats constitue une diminution des responsabilités du salarié (Cass. Soc. 29 janvier 2014, n°12-19.479).

Suite à ces résiliations, le poste de travail s’est vidé de sa substance du simple constat : appauvrissement des missions et des responsabilités. Les faits retenus ne prennent pas en compte l’origine externe à l’entreprise, à savoir la décision du client.

Pouvoir unilatéral de l’employeur sur la diminution des responsabilités du salarié 

Pour un entrepreneur, disposer de la qualité d’employeur lui octroie des obligations et prérogatives. Ce dernier doit respecter ses engagements, mais il reste tout de même, le « patron ». Il peut par le biais de son pouvoir de direction retirer à un chef de service la responsabilité d’unités s’il maintient l’essentiel de ses attributions ainsi que la rémunération et sa qualification. « La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres », il en est de même pour l’employeur. Il peut utiliser son pouvoir de direction jusqu’à ne pas toucher aux principales responsabilités qu’il a auparavant conférées au salarié.

Il possède une marge de manœuvre dans l’étendue de la délégation de pouvoir accordée à un salarié.

Il peut modifier et réduire le montant des marchés pour lequel il avait accordé une délégation de pouvoirs. Également, il peut retirer à un salarié une délégation précédemment accordée concernant la signature des notes de frais. Ce changement ne modifie en rien ses fonctions, sa qualification et sa capacité à signer des contrats qui font suite à sa compétence de directeur général (Cass. Soc. 15 février 2012, n°10-16.025). L’employeur reste décideur de la gestion de son entreprise, notamment s’il veut établir un contrôle plus approfondi sur les notes de frais ou établir des statistiques de frais récurrents. Cependant, le retrait de l’élaboration du budget ne constitue par la même charge de travail que la capacité de signer des notes de frais. Ainsi, si l’employeur veut centraliser l’élaboration du budget en retirant cette fonction à un salarié, il devra la compenser. Il doit en contrepartie lui attribuer d’autres fonctions (groupes budgétaires) tout en maintenant sa rémunération, ses fonctions et ses principales responsabilités. Par syllogisme, outre le maintien du statut et de la rémunération, les responsabilités doivent être équivalentes en cas de changement.

Réagir à la diminution des responsabilités du salarié

Il existe en droit du travail une relative dichotomie en ce qui porte sur la modification des conditions de travail par rapport à celle influençant le contrat de travail. En effet, l’employeur peut modifier les conditions de travail du salarié unilatéralement. En cas de refus du salarié, celui-ci s’expose à une faute. L’employeur peut sur une période donnée, confier une mission à son salarié. Cependant, si le salarié refuse la mission ou refuse de reprendre son poste suite à la mission, il sera confronté à une faute qui peut se solder par un licenciement. En ce qui concerne la modification du contrat de travail, les deux parties doivent être d’accord. L’employeur propose la modification du contrat de travail et le salarié peut accepter ou refuser. Ainsi le refus du salarié, est légitime. L’employeur se doit d’accepter la décision de son salarié et renoncer à cette modification. En effet, s’il le licencie pour faute grave, celui-ci est en droit de contester son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il exposera le fait qu’il s’oppose à la diminution des responsabilités dont il jouissait auparavant constitutives d’une modification du contrat de travail.

Les juges apprécient l’équivalence des missions correspondant à une modification ou non du contrat de travail.

À l’inverse, un salarié initialement en charge de la coordination des programmes marketing, s’est vu affecter à l’exécution de programmes marketing sans incidence sur sa rémunération. Selon lui, cela correspondait à des tâches informatiques et administratives qu’il qualifiait d’insubstantiel. Or, l’exécution des programmes marketing a été suite à son refus confiée à deux responsables marketing, chacun en charge d’un programme (Cass. Soc. 30 octobre 2007, n°06-41.428). Il a été licencié suite à son refus et son licenciement n’était pas dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Conseil d'Expert

Avant toute décision hâtive, il faut lire son contrat de travail et analyser sa charge de travail actuelle avec l’évolution du poste.

Auteur de l'article: Aurelia De Cillia

Aurélia DE CILLIA est juriste en droit social. Issue d'un cabinet de conseil, après avoir été diplômée d'un master 2 droit de la protection sociale, et d'un master 1 droit social à la faculté de Montpellier, elle aime rédiger des articles dans son domaine et se tenir informée de la législation en vigueur.