Entretien professionnel obligatoire

Par Aurelia De CilliaLe 3 avril 2016

L’entretien professionnel obligatoire , né de l’accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013 et de la loi du 5 mars 2014 (loi n°2014-288), chamboule « juridiquement » les habitudes en matière de formation professionnelle. En effet, les entreprises se voient investies d’une obligation supplémentaire au regard de la « gestion individualisée des compétences ».

Qu’est-ce qu’un entretien professionnel obligatoire ?

Un entretien professionnel obligatoire s’applique sans distinction d’effectif à toutes les entreprises. Il remplace l’entretien de bilan d’étape professionnel ou l’entretien de seconde partie de carrière ou les différents entretiens prévus après une suspension de contrat. À ce sujet, un entretien professionnel obligatoire doit être distingué de l’entretien annuel. Ces deux entretiens sont différents et ne se substituent pas l’un à l’autre. Néanmoins, ils peuvent se succéder, mais l’employeur doit les dissocier sous peine de ne pas respecter la substance distincte de chacun d’eux. L’entretien annuel d’évaluation comme son nom l’indique vient « évaluer » les capacités du salarié au poste concerné.

Un entretien professionnel obligatoire par contre ouvre un « échange » plus large pour les deux parties à la relation de travail.

Ce dernier fait le point sur l’évolution du salarié dans l’entreprise et pas seulement à son poste en recensant les besoins de formation adéquats et nécessaires (article L6315-1 du code du travail). Il prend en compte les aspirations, les perspectives d’évolution professionnelle, le projet professionnel et les besoins de formation. Pour les plus futuristes, il s’agit d’une projection 3D dans l’avenir de l’entreprise.

Un entretien professionnel obligatoire peut être vu sous un autre angle. C’est un moment privilégié d’échange et de dialogue entre le salarié et le représentant de son employeur. Le salarié doit en ressortir valorisé par l’écoute de son employeur. Ce qui se traduira par une fidélisation à l’entreprise qui jouera sur sa productivité. Autant dire qu’un salarié motivé est un salarié heureux. L’investissement de l’entreprise dans la formation auprès de ses salariés motivés sera décuplé. Cet entretien a un objet clairement exposé : décrire les « axes de développement » au sein de l’entreprise. Pour avoir suffisamment de recul, il implique des rendez-vous entre l’employeur et le salarié, réguliers et espacés dans le temps. Pour ce faire, il est programmé tous les deux ans en ce qui concerne les perspectives d’évolution et tous les six ans pour faire un état des lieux du parcours accompli par le salarié. Le code du travail prévoit également un entretien de ce type lorsque le salarié revient après une longue absence (congé maternité, congé parental d’éducation, congé de soutien familial…).

Lors du retour du salarié, il est important de renouer « contact » avec sa vision de l’entreprise et ses ambitions professionnelles. 

L’entretien professionnel obligatoire vient battre en retraite la notion d’insuffisance professionnelle. En effet, comment reprocher à un salarié son insuffisance professionnelle si l’employeur ne met pas à sa disposition des plans de formation. L’employeur est investi d’une obligation appelée « adaptation ». Il doit permettre à ses salariés de s’adapter à leur poste de travail, mais également d’évoluer sur un autre poste. Concernant l’adaptation à la prise de poste, l’employeur doit répondre de la capacité du salarié à changer de poste. La loi du 5 mars 2014 vient encadrer cette obligation en imposant à l’employeur un entretien professionnel obligatoire. En effet, une salariée licenciée après sept années d’ancienneté sans recevoir de formation est en droit de demander réparation. Les faits caractérisent un manquement de l’employeur concernant son obligation de veiller au maintien de la capacité de la salariée et/ou au maintien dans son emploi (Cass. Soc. 7 mai 2014, n°13-14.749).

Également, il peut se voir condamné s’il refuse une formation en amenant un critère de rentabilité au regard de l’âge du salarié (Cass. Soc. 18 février 2014, n°13-10.294).

À qui s’adresse un entretien professionnel obligatoire 

Un entretien professionnel obligatoire s’adresse à tous les salariés d’une entreprise, quelle que soit la nature du contrat de travail : CDD ou CDI. En pratique, les CDD connaîtront ce dispositif seulement s’ils restent plus de deux ans au sein de l’entreprise. Concernant le personnel mis à disposition au sein d’une entreprise, celui-ci sera convoqué à l’entretien par son employeur et non par l'encadrant de l’entreprise d’accueil. Indéniablement, les informations à fournir à l’arrivée de tous nouveaux collaborateurs augmentent à chaque évolution législative. Ainsi, le salarié nouvellement en poste sera éclairé quant à son futur rendez-vous avec « ses perspectives d’évolution » et ses besoins de formation, dès son arrivée.

Dans l’hypothèse, où le salarié est déjà en poste en date du 7 mars 2014, il sera convoqué à son entretien avant le 6 mars 2016.

Sanctions en cas de non-respect de cet entretien

Deux temps sont à retenir pour un entretien professionnel obligatoire : biennal et tous les six ans. Tous les six ans, l’employeur devra s’assurer que le salarié a bénéficié d’une action de formation, validé des acquis d’expérience (VAE) et enfin, a évolué d’un point de vue professionnel ou salarial. Ces points viennent asseoir le dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Une différence non négligeable est à prendre en compte : l’entretien obligatoire professionnel s’applique au sein de chaque entreprise, quelle que soit sa taille. À l’inverse, les sanctions pour non-respect visent seulement les « entreprises d’au moins 50 salariés ». Deux sanctions sont prévues (article L6323-13 du code du travail) pour chaque salarié n’ayant pas été reçu en entretien. Il en est de même pour ceux qui n’ont pas bénéficié d’une action de formation, d’une validation des acquis d’expérience ou n’ayant pas évolué d’un point de vue professionnel ou salarial. La sanction est double pour l’employeur : verser 100 heures sur le compte de formation du salarié et payer une amende de 3000 euros à l’OPCA (Organisme Paritaire Collecteur Agréé). La sanction est présente, mais s’apparente davantage à une sanction incitative que répressive.

Elle se chiffre à 3000 euros par salarié.  Notons que l’employeur qui serait condamné pour manquement à ses obligations, paierait une amende plus conséquente devant les tribunaux. 

Entretien professionnel : entre obligation et faculté

C’est une obligation pour l’employeur et une faculté pour le salarié. L’employeur a le devoir de convoquer le salarié, mais celui-ci est en droit de refuser de s’y présenter. En effet, l’objet de cet entretien porte sur l’évolution du salarié au sein de l’entreprise et non sur l’évaluation de ses capacités professionnelles au regard du poste. Bien que facultatif, ce refus de l’entretien peut être mal perçu par sa hiérarchie. La hiérarchie peut se réserver le droit de le convoquer et lui demander de motiver son refus, voire de le convoquer une nouvelle fois. Au regard de ce refus, l’employeur ne peut pas être inquiété ; il aura ce faisant pleinement rempli son obligation minimale. Cependant, il devra conserver la preuve du refus du salarié pour éviter une éventuelle sanction. Dans le cas où une décision de formation est prise, le salarié ne pourra pas refuser de se présenter à la formation. L’entretien est un « échange » entre les parties concernant une décision d’avenir commun.

Suite à l’échange, le but est de mettre en application les décisions et le changement d’avis n’est pas permis.

Le déroulement de l’entretien professionnel obligatoire 

Rien ne précise la personne fondée à conduire un tel entretien. Le service des Ressources Humaines ou le manager en charge du salarié peuvent être tous deux compétents pour le mener. En pratique, l’entretien professionnel obligatoire s’il fait suite à l’entretien annuel sera assuré par le manager. Celui-ci recevra un briefing sur les différentes étapes pour permettre l’efficacité de l’entretien. La décision est laissée à l’organisation interne de l’entreprise.

En conclusion, un entretien professionnel obligatoire est une vision à long terme des salariés dans l’entreprise mis en parallèle avec la performance économique des entreprises.

Auteur de l'article: Aurelia De Cillia

Aurélia DE CILLIA est juriste en droit social. Issue d'un cabinet de conseil, après avoir été diplômée d'un master 2 droit de la protection sociale, et d'un master 1 droit social à la faculté de Montpellier, elle aime rédiger des articles dans son domaine et se tenir informée de la législation en vigueur.