Intérêt de la clause de dédit-formation

Par Isabelle Vidal-LeonLe 26 octobre 2015

La clause de dédit-formation est un outil contractuel alliant temps de formation et temps de travail effectif. Méconnu ou sous-estimé pour son utilité, ce dispositif participant à la formation des salariés n’est pas très sollicité. En parallèle, le manque de formation des salariés est un vrai sujet d’actualité et il est difficile de comprendre ce qui fait défaut en France.

La multiplication des outils pour favoriser l’essor de la formation au sein des entreprises n’y change rien. Le congé individuel de formation (CIF) est assez contraignant et il ne répond pas nécessairement tant aux besoins ponctuels de formation qu’aux formations « métiers » propres à chaque secteur d’activité. En outre, l’accès au CIF est couramment réservé à des personnes prioritaires parmi lesquelles, celles sans qualification ou concernées par un projet de reconversion. Le compte personnel de formation (CPF) peine à se mettre en place tandis que les heures issues du droit individuel à la formation (DIF) et non utilisées risquent de ne pas être mises à profit par les salariés.

La clause de dédit-formation apparaît comme une solution intéressante et plus égalitaire ; tous les salariés en CDI peuvent en profiter dès lors que les conditions sont réunies ; en effet, l’employeur et le salarié doivent s’accorder tant sur le principe que sur les engagements que cela suppose pour les parties.

Indiquons en liminaire que les salariés qui opteraient pour un contrat de professionnalisation ne sont pas visés par cette disposition qui ne leur est pas opposable (article L6325-15 du code du travail). Il serait assez logique pour les salariés en contrat d’apprentissage qu’ils bénéficient du même traitement ; pour autant, un employeur qui proposerait une formation particulière en sus des obligations attenantes à ce type de contrat, ne commet pas d’impairs a priori.

L’objectif servi par cette clause est de sécuriser l’employeur du financement d’une formation à fonds perdus si le salarié décide une fois sa qualification en poche de quitter l’entreprise prématurément. Il va de soi qu’un employeur qui s’engage à former un salarié soit qu’il recrute soit qu’il souhaite faire évoluer au sein de l’entreprise, recherche l’assurance en contrepartie d’un engagement du salarié.

La clause de dédit-formation allie ainsi deux obligations : le « dédit » qui expose le salarié à rembourser l’employeur en cas d’inexécution de son obligation vis-à-vis de l’entreprise et la « formation » qui est payée par l’entreprise afin que le salarié puisse acquérir la qualification recherchée. Les deux parties sont ainsi liées par un engagement réciproque.

En général dans le cas d’une nouvelle embauche, la clause de dédit-formation sera prévue et intégrée directement dans le contrat de travail que l’employeur soumettra au salarié avant de l’engager en précisant que celle-ci peut s’appliquer sauf exception rédigée en ce sens, dès la période d’essai du salarié (Cass. Soc. 5 juin 2002, n° 00-44327).

S’il s’agit en revanche d’un projet intervenant au cours de la carrière du salarié au sein de l’entreprise, l’employeur devra établir un avenant à son contrat de travail pour se prévaloir d’une telle disposition ; comme pour toute modification d’un élément essentiel du contrat de travail, le salarié peut refuser ou considérer cette proposition dans le délai d’un mois prévu par la loi (article L1222-6 du contrat de travail).

La clause de dédit-formation implique des conditions

L’une des conditions impérieuses d’une clause de dédit-formation, réside dans la sincérité de l’action de formation ; l’employeur doit en effet exposer des frais réels et excédents ses obligations minimales fixées par la loi, par un accord d’entreprise (article L2241-6 du code du travail) ou une convention collective de branche (article R2241-9 du code du travail). L’employeur doit donc se renseigner sur les mesures spécifiques prévues par ces accords.

L’autre condition à ne pas négliger concerne le contenu au fond d’une telle disposition contractuelle ; l’employeur doit fournir au salarié des informations détaillées et complètes inhérentes à l’action de formation ; date, durée, nature et coût réel pour l’employeur de la formation (Cass. Soc. 9 févr. 2010, n° 08-44477) ; le montant ainsi que les conditions de remboursement de toute ou partie de la formation par le salarié dès lors que ce dernier ne souhaite plus rester au service de l’employeur selon les termes qui auront été préalablement convenus (Cass. Soc. 28 sept. 2005, n° 03-47761).

Précisons que l’absence d’indications quant au coût réel de la formation se conclue par l’obsolescence de la clause de dédit-formation (Cass. Soc. 31 oct. 2007, n° 06-15696).

De même, une indication du coût engage l’employeur : il ne peut en réviser le montant malgré un engagement de dépenses supérieur à ce qui avait été prévu. La jurisprudence renforce aussi sa position en précisant qu’une clause de dédit-formation n’est valable pour autant que le coût de l’engagement financier soit précis (Cass. Soc. 20 nov. 2013, n° 12-15405). La validité d’une clause de dédit-formation est également subordonnée au principe que les parties devront avoir acté leur engagement respectif avant que l’action de formation ne débute (Cass. Soc. 6 nov. 2013, n° 11-12869).

Pénalités financières possibles pour le salarié

Il va de soi que le salarié peut être exposé à des pénalités ou au versement d’indemnités qu’en raison de l’inobservation de son engagement vis-à-vis de l’entreprise. C’est notamment le cas, lorsqu’il décide de quitter l’entreprise de son propre chef (démission) sans y avoir été contraint par l’employeur avant le terme fixé dans la clause de dédit-formation. Par ailleurs, la formation devra avoir été réellement et intégralement suivie pour que l’employeur puisse exiger l’application de la clause de dédit-formation.

De telles pénalités ne peuvent pas être réclamées par l’employeur au salarié dès lors que ce dernier a été licencié y compris dans le cadre d’une faute grave (Cass. Soc. 10 mai 2012, n° 11-10571). Cette position jurisprudentielle est également retenue lorsqu’il est question d’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail si celle-ci est justifiée à savoir qu’elle produit l’effet d’un licenciement dépourvue d’une cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 11 janv. 2012, n° 10-15481).

Le calcul de la pénalité ou de l’indemnité ne peut jamais inclure les salaires perçus durant la formation (Cass. Soc. 23 oct. 2013, n° 11-16032). Aussi, il ne peut être question que des frais propres à l’action de formation qui comprennent notamment les frais de dossier, les frais pédagogiques et les frais annexes.

Le salarié, s’il était tenu d’indemniser l’employeur, ne pourra être exposé qu’au remboursement au prorata temporis des frais réellement engagés par l’entreprise. La condition sine qua non étant de demeurer « un certain temps » au service de l’employeur, dès lors que cette durée qui doit être mesurée et proportionnelle à l’enjeu, a été définie, il convient de déduire la période qui précède le départ du salarié ; la pénalité est de facto dégressive.

Enfin, achevons ce billet en soulignant que l’indemnité réclamée au salarié ne peut pas être irraisonnée ; son caractère excessif pourrait conduire le juge à en réduire le montant fixé (Cass. Soc. 5 juin 2002, n° 00-44327).

Auteur de l'article: Isabelle Vidal-Leon

Juriste en droit privé et droit social, Isabelle exerce en indépendante depuis quelques années le métier de conseil aux entreprises et de formatrice en droit social. Elle travaille également depuis quelques années comme consultante auprès des particuliers pour le traitement de litiges divers liés au travail.