Le piège de la tacite reconduction

Par Fabrice AllegoetLe 31 mai 2015

Information importante

Suite à une recodification du code de la consommation postérieure à la parution de cet article, l’article L136-1 du code de la consommation a été réécrit sous les articles L215-1 à L215-5. Les articles qui intéressent les CE sont essentiellement les articles L215-1 et L215-3 du code de la consommation.

Les fournisseurs et prestataires commercialisant leurs produits et services aux comités d’entreprise sont-ils tenus par les lois « Chatel » (Loi n° 2008-3, 3 janv. 2008, art. 33) et « Hamon » (Loi n° 2014-344, 17 mars 2014) ? L’article L136-1 du code de la consommation peut-il s’appliquer pour les contrats signés avec un comité d’entreprise et qui prévoient une clause de tacite reconduction ?

Ces questions se posent naturellement dans un marché très concurrencé, qui s’adresse à des organisations n’épousant aucun but commercial et ne générant aucun bénéfice. En effet, le comité d’entreprise n’est pas considéré comme un consommateur lambda ; c’est une personne morale dotée de la personnalité civile ; aussi, le CE ne peut de facto bénéficier des mesures s’appliquant aux particuliers (article L2325-1 du code du travail).

Il n’est pas pour autant à classer dans la rubrique des « professionnels » étant à considérer que le comité d’entreprise ne poursuit aucune activité lucrative.

Toute la question réside donc dans cette nuance : le comité d’entreprise n’est pas un  simple consommateur mais un « non-professionnel » ; expression reprise dans le dernier alinéa de l’article L136-1 du code de la consommation et qui a déjà produit des réponses jurisprudentielles contrastées depuis 2009.

Abus et durée initiale d’engagement

Agissant comme des « non-professionnels », les élus de CE se font souvent abusés par la durée du contrat initialement signé, puis par les conditions de sa reconduction tacite. En effet, au prétexte de bénéficier d’un tarif plus avantageux, certaines entreprises adoptent une démarche commerciale agressive et poussent le comité d’entreprise dont la durée du mandat est en principe de 4 ans (article L2324-24 du code du travail), à s’engager sur des durées de 2 à 4 ans. Le comité d’entreprise n’est pas garanti d’une part, de la qualité de la prestation et d’autre part, de réaliser une « affaire commerciale juteuse ». L’opacité tarifaire qui semble être une religion dans ce secteur d’activité, empêche à défaut de prix publics, de réellement déterminer si le CE a véritablement bénéficié d’une remise substantielle compte tenu de la durée de son engagement contractuel. Il arrive que des comités d’entreprise s’aperçoivent plus tard, avoir payé soit autant qu’un autre CE soit plus cher.

Précisons que cet engagement au-delà de l’année d’exercice comptable du CE, l’expose à totaliser une dette pour les années à venir sans être assuré pour autant de disposer des fonds qui sont calculés et révisés annuellement sur la base du compte 641. Certains comités se retrouvent ainsi privés de leur autonomie de gestion tant il faut déjà éponger la dette avant d’être en capacité de disposer à nouveau de son budget.

Avant de signer, le comité d’entreprise doit veiller à ce que le contrat ne l’engage pas au-delà d’un an (durée raisonnable pour un 1er contrat) ; d’une part, il s’assure une plus grande autonomie pour décider sur les années à venir de poursuivre ou non ce type de prestation, et d’autre part, il évite de dégrader le budget des années à venir dont il ne peut en connaître à l’avance le montant exact.

Le CE doit également pouvoir comparer les conditions financières qui lui sont réservées afin de vérifier si la durée du contrat impacte réellement et proportionnellement le prix qui lui serait facturé. En effet, le lien de cause à effet n’est pas évident et en l’absence de preuves du contraire, la question reste ouverte.

Notons que certains prestataires s’emploient également à engager le comité d’entreprise à utiliser le budget de fonctionnement alors même que l’origine et la finalité de la dépense n’entrent pas dans la liste des imputations légitimes ; le caractère trompeur de la vente vient s’ajouter à un contrat dont la durée d’engagement peut apparaître comme abusive.

Le piège de la tacite reconduction

Une fois le contrat signé, le comité d’entreprise le classe tout naturellement avec la facture dont il s’est acquitté. Le CE ne vérifie pas toujours si le contrat en question contient une clause de tacite reconduction et le prestataire n’en fait pas toujours état au moment de la signature. Pourtant, cette disposition qui engage le client sur la durée, mérite une attention toute particulière.

Il serait préférable lors de la négociation du contrat, que le comité d’entreprise demande expressément le retrait de la clause de « tacite reconduction ».

Précisons que la tacite reconduction reproduit pour une durée identique à la précédente, les effets du contrat signé antérieurement. Aussi, il n’est pas légalement viable que l’engagement initial soit d’un an et que sa reconduction tacite le soit sur une durée supérieure. De même qu’il n’est pas acceptable que le client ne bénéficie pas des mêmes services que ceux auxquels il pouvait prétendre avant le renouvellement du contrat. Il arrive que les prestataires indiquent que leurs conditions peuvent changer d’une année à l’autre exposant le client à ne pas bénéficier « exactement » des mêmes termes que ceux fixés lors de la signature initiale du contrat.

C’est abusif car un contrat bien que renouvelé doit s’appliquer intégralement ; à défaut, il faut que le client exige du prestataire qu’il respecte les termes contractuels initiaux sous peine d’en demander la résiliation sans préavis.

Il faut surveiller le renouvellement de vos contrats

Lorsqu’un contrat se renouvelle automatiquement (tacite reconduction), cela doit vous interpeller et vous inciter à surveiller la « date anniversaire » de votre contrat, c’est-à-dire, la date qui déclenche la poursuite du contrat à défaut d’en avoir demandé clairement la résiliation. Évidemment, connaître la date anniversaire ne suffit pas, car les contrats pour être résilié, imposent l’observation d’un délai de prévenance (préavis) au cours duquel, le client reste engagé avec le prestataire. Ce qui est important, c’est de déterminer la date à laquelle, le CE peut effectivement résilier afin de ne pas être contraint par la reconduction.

Le CE peut-il bénéficier de la loi Chatel – Hamon ?

Les principes et les effets de ces deux lois sont inscrits dans les articles L136-1 et L136-2 du code de la consommation. Initialement prévu pour protéger les consommateurs « particuliers » (Loi n°2005-67 du 28 janvier 2005), la loi Chatel a été modifiée une première fois en 2008 avant d’être complétée et renforcée en 2014 par le biais de la loi Hamon. Notons que depuis l’année 2008, a été inscrit la mention « non-professionnels » qui a fait couler beaucoup d’encre au sein des tribunaux.

En effet, les comités d’entreprise pris au piège de la reconduction tacite de leurs contrats notamment lors d’un renouvellement d’équipe, veulent bénéficier de la stricte application de l’article L136-1 du code de la consommation qui précise :

Autrement dit, le client « CE » peut grâce à ce rappel, résilier plus facilement le contrat qui le lie avec le prestataire concerné. Ce n’est évidemment pas du goût de tout le monde. Pourtant, différents arrêts tendent à soutenir les comités d’entreprise dans cette reconnaissance de leurs droits.

En effet, certaines décisions soulignent le caractère « non professionnel » du comité d’entreprise et l’absence de lucrativité de leurs activités pour abonder dans le sens des CE. Bien qu’il s’agisse d’une personne morale, l’application de l’article L136-1 du code de la consommation s’applique comme le précise un arrêt de 2011 qui consacrait par principe, « que les personnes morales exception faite des entreprises commerciales, ne sont pas exclues de la catégorie des non-professionnels » (Cass.1e civ. 23 juin 2011 n° 10-30.645).

Ainsi, s’en suivirent plusieurs arrêts impliquant des comités d’entreprise. La Cour d’appel de Lyon a fondé sa décision sur le caractère « non-professionnel du CE » afin de mettre un terme au litige l’opposant à un prestataire (CA Lyon, 15 nov. 2012, no 11/05966). Dans deux arrêts, la Cour d’appel de Besançon a opté pour exactement le même raisonnement (CA Besançon, 9 nov. 2011, no 11/00994 ; CA Besançon, 13 nov. 2013, no 12/02221). L’ensemble de ces arrêts ont réaffirmé que bien qu’étant une personne morale, le comité n’en demeurait pas moins dépourvu d’activité lucrative, ce qui l’autorisait à demander l’application de l’article L136-1 du code de la consommation.

Reste que rien n’est gagné et que bien des prestataires ne l’entendront pas de cette oreille ; en effet, n’omettons pas de rappeler que pour l’heure, la Cour de cassation ne s’est pas de nouveau exprimée. La dernière fois où elle a tranché cette question, le comité n’a pas obtenu gain de cause ; l’arrêt date toutefois de 2009 (Cass. civ. 2 avril 2009 n° 08-11231).

Auteur de l'article: Fabrice Allegoet

Fabrice ALLEGOET est un formateur confirmé et certifié en droit social qui s'est spécialisé dans différentes matières (santé et sécurité au travail, RSE et développement durable, management et communication en entreprise). Il est l'animateur des Podcasts "Le CSE En Clair" et "Le Droit de Savoir by CÉOS".