Trouver un emploi – la triste vérité

Par Florian BenoistLe 19 février 2016

Vous n’avez pas encore goûté au parcours du combattant ? Vous allez adorer le parcours du chômeur. Sans nul doute, trouver un emploi de nos jours, peu importe sa qualification, son expérience, relève du défi. Le nombre de chômeurs augmente sans cesse depuis plusieurs années (plus de 6 millions de chômeurs toutes catégories confondues), encouragé par une croissance économique molle qui peine à décoller. Les dispositifs d’aide de retour à l’emploi sont pour le moins inefficaces voire inexistants ; les conseilleurs ne sont pas les payeurs.

Ironie du sort ou hypocrisie organisée, la plupart des commentateurs quant à la façon de trouver un emploi (rapidement, efficacement, assurément et blabla et blabla…), n’ont jamais eux-mêmes été confrontés à la dure et triste réalité du chômage de masse.

Ils ne font que rabâcher de fumeuses croyances quant à la soi-disant « meilleure » manière de trouver un emploi afin d’être épargné par l’agonie du chômeur de longue durée.

Pôle Emploi et comment ne pas trouver d’emploi

Passage obligé, il faut s’inscrire au Pôle Emploi afin d’une part, être officiellement reconnu comme un nouveau « demandeur d’emploi » (Youpi !) et d’autre part, percevoir son allocation chômage (conditions d’attribution de l’ARE). Une fois ces formalités assurées, la désillusion commence. Les conseillers sont à peine pressés de vous recevoir en entretien (comptez entre 4 à 8 mois pour être reçu la première fois). Une fois convoqué, vous vous apercevez rapidement à quel point, ils sont démunis face à la situation. Ils n’ont pas de solution particulière, ne délivrent aucun conseil avisé, s’en remettent à une batterie d’outils dont ils ne connaissent pas toujours le fonctionnement voire l’utilité, bref, ils capitulent en s’en remettant au dieu de la chance dixit « avec votre expérience, je ne me fais pas de souci, vous allez retrouver un emploi rapidement » (2nd Youpi ! doublé d’un Lol).

Les conseillers « Pôle Emploi » sont-ils des « trouveurs d’emploi » ? Il appartient à chacun, selon son expérience de répondre à cette question. Il convient toutefois de souligner quel est le rôle d’un tel conseiller selon la définition apportée par l’administration (métier de conseiller Pôle Emploi).

Il s’agit d’un accompagnant chargé de faire bénéficier au demandeur d’emploi de son expertise du marché du travail afin de l’aider à s’y réinsérer en lui proposant notamment des emplois stables. Le hic, c’est le contenu et la qualité de cette expertise dont personne ne sait dire comment a-t-elle été acquise ? La plupart des conseillers le disent : ils manquent de formations, d’outils performants, de moyens (humains, financiers, logistiques) et compte tenu de leurs propres conditions de travail et de leur rémunération, la motivation n’est pas toujours au rendez-vous (témoignage d’un conseiller).

Fini le temps où il fallait se déplacer à l’agence ANPE (ex dénomination du Pôle Emploi) ; rechercher un emploi se fait en ligne « www », bien confortablement installé dans votre fauteuil, à l’abri du monde, dégustant une bonne dose de désocialisation, et profitant d’un soupçon de déprime. Et comme si cela ne suffisait pas, 90% des offres d’emploi proposées ne permettent pas de contacter « un humain » (allô ici la Terre ?) – pas de numéro de téléphone, pas de contact privilégié, pas d’email direct, pas d’adresse de l’entreprise qui recrute… un mail générique et puis c’est tout !

Et pour finir de vous achever, lorsque vous essuyez un refus à peine motivé par le recruteur, le mail indique très clairement qu’il ne sert à rien d’y répondre (ne tentez pas votre chance, j’ai déjà essayé) « no-reply@talentsoft.com ; noreply@selescope.com ; hr-manpowerfr@noreply.fr … et là croyez-les, ils disent la « vérité ».

Recette du « bon CV » et recrutement sans CV

Dans la lignée des conseils devenus ringards, inutiles, désespérants, obsolètes… le format et le contenu de votre CV. Il doit être court (pas plus d’une page) ou non, il doit être « précis » pour se concentrer sur l’essentiel, ou non, il doit exposer clairement vos compétences sans en dire « trop » … Pour s’y retrouver, il existe des formations (comment rédiger son CV) ou les génialissimes ateliers CV du Pôle Emploi (organiser sa recherche d’emploi).

Autant vous le dire à ce stade, celui qui découvrira un jour, la recette tant jalousée du « bon CV » à tous les coups, deviendra incontestablement un milliardaire !

En attendant, il faut prendre son mal en patience et considérer que tous les conseils ne sont pas vains sans toutefois en escompter un doux miracle sur investissement. J’ai aussi expérimenté cette recommandation d’un conseiller APEC (sans doute la pensait-il éclairée) dixit : « je vous invite à tester plusieurs formats de CV jusqu’à trouver le bon » ! Après, le job tant convoité de nos jours de « trouveur d’emploi », il y a celui de « trouveur de bons CV ». Merci pour ce précieux conseil !

La vérité est si simple. 90% des offres d’emploi sont dématérialisées ; ce sont des milliers de « robots » qui trient les CV et qui s’autorisent à rejeter ceux jugés inappropriés algorithmiquement (comment plaire aux robots). Rien à voir donc avec « vous » ! Votre CV ne contenait pas les « mots clés » déterminés par le recruteur, ce qui lui a valu, une fin de non-recevoir.

L’ère du CV serait-elle en train de vivre ses dernières heures ? Peut-être à en croire les innovations qui se profileraient doucement mais sûrement. En effet, le Pôle Emploi en quête d’innovation, a testé une méthode de recrutement sans CV en 2014 (sanscv.fr), l’APEC vante les mérites de cette nouveauté pour le recrutement des cadres (recrutersanscv.fr) et « Place des Talents » mise davantage sur votre profil que sur le contenu de votre CV (www.placedestalents.com). Un recruteur dans le domaine commercial (le CV en trompe l’œil – Didier Perraudin -Uptoo) s’interroge sur l’utilité du CV et préconise de miser surtout sur l’attitude et le vécu du candidat et moins sur la liste de ses aptitudes brandies comme de vulgaires trophées dans le CV traditionnel.

La marchandisation du « CV » ne faillit pas non plus. Entre les centaines de plateformes vendant un modèle de CV et les sites qui vous promettent de décrocher un « job rapidement » moyennant quelques euros au passage, on comprend aisément que le « chômeur » est un bon filon pour celui qui sait en user (décrochez votre prochain emploi en 77 jours). La blague !

Et comme si cela ne suffisait pas, certains ont fait de ce juteux problème du chômage, un métier à part entière ; c’est ainsi que Chris se définit lui-même. Il est un « Job Trouveur », vous prodiguant au passage, tous ses bons conseils pour rédiger notamment un « bon CV » (JobTrouveur.com). Chacun se fera sa propre opinion à ce sujet.

Ne m’appelez plus jamais lettre de « motivation » !

Là aussi, la flopée de conseils en tout genre ne manque pas à l’appel ! Alors que les recruteurs peinent à consacrer un temps supérieur à 10 secondes pour lire le CV qui a été élu par nos amis les « robots impitoyables » (6 secondes pour lire un CV), combien sont-ils à réellement lire la « lettre de motivation » ? Certains osent l’avouer, ils ne prennent pas la peine de lire votre prose même écrite de façon manuscrite (la lettre de motivation est-elle lue ?).  La vérité est donc ailleurs !

Pourquoi s’échiner à rédiger une telle lettre qui n’est pas lue ou si peu ?

Pour ne pas avoir à vous triturer les méninges au risque de passer pour le marginal de la bande ; « quoi, tu postules sans avoir envoyé une foutue lettre de motivation ! ». D’aucuns diront que tu es « has-been » là où d’autres crieront à l’inconscience ! Peut-être (autre solution possible) que j’ai arrêté d’être un con ? La lettre de motivation s’est faite damer le pion par le « mail de motivation » pour être en phase avec le « tout numérique ». Elle est donc quelque peu dépassée la période du redoutable test graphologique, ancienne exception française !

– Que doit contenir une « jolie lettre de motivation » ?

Allons, soyez plus optimiste que cela, m’intima ma conseillère Pôle Emploi qui ne se souvient pas avoir rédigé une seule fois dans sa vie, une telle lettre (cynique non ?). Parmi les ingrédients d’une bonne lettre de motivation, il y a le rappel des éléments contenus dans l’offre d’emploi comme l’intitulé du poste, l’énumération des tâches, l’exigence de qualifications. Autrement dit, vous nourrissez votre lettre de motivation en la graissant ici et là des informations produites par le recruteur (pour le cas où lui-même ne s’en souviendrait plus). Si vous souhaitez d’autres conseils, je vous invite à lire cet article (que doit contenir une lettre de motivation) ; peut-être en ressortirez-vous quelques éléments utiles.

Ne croyez toutefois pas que la lettre de motivation est le sésame assuré pour décrocher un entretien d’embauche ; un ancien recruteur professionnel qui a notamment travaillé pour l’APEC, l’assure « la lettre de motivation ne sert à rien ». Son regard aiguisé sur le sujet illustre la mutation qu’est en train de vivre la bonne vieille lettre de motivation.

La profusion des conseils et astuces pour trouver un emploi

Achevons ce tour du monde « du ridicule ne tue pas », en mettant en lumière, la kyrielle de sites qui font l’apologie de conseils et astuces pour vous aider à trouver un emploi. Ouf ! Heureusement qu’ils sont là. Je tiens enfin le bon bout. Alors, appliquons-les ces maudits conseils pour se rendre compte que cela fait maintenant 18 mois qu’on attend (ou espère allègrement), que la terre tremble enfin.

1/ Dix trucs pour trouver rapidement du travail

Que nous raconte ce site ? Il faut mettre son CV à jour, avoir l’œil sur les offres d’emploi en ligne, demander de l’aide à des professionnels (sans doute des trouveurs d’emploi), postuler à un max d’offres, être fin prêt lors de l’entretien d’embauche (si vous arrivez à en décrocher un), utiliser le bouche-à-oreille, revoir vos exigences à la baisse, envisager toutes les possibilités d’emploi, poster son CV en ligne et le petit dernier pour la route (roulement de tambour) : accepter de commencer en bas de l’échelle ! Cela fera certainement plaisir aux quinquagénaires !

2/ Neuf astuces magiques pour dénicher un travail !

Sans vous en dresser la liste (je vous laisserai lire l’intégral de ce contenu magique), soulignons le recours aux réseaux sociaux ou encore faire don de soi auprès des associations. Pour sûr, avec tout ça, je vais trouver un emploi sans aucun problème (mais pourquoi n’y ai-je pas pensé avant ?).

3/ Sept astuces pour accéder à un entretien d’embauche

Je ne peux bouder mon plaisir à vous délivrer la recette miraculeuse qui permet sans peine (et sans doute sans tracas) de décrocher un entretien d’embauche. Parmi ces conseils, l’envoi de sa candidature par « fax », se rendre à des salons professionnels, cacher tant bien que mal qu’on est demandeur d’emploi. Ne serait-ce finalement pas risible si ce récit ne nous était pas servi sur un plateau par Cadre Emploi ?

La triste vérité, vous l’aurez deviné au travers de ces quelques lignes, c’est qu’il n’existe aucune recette prodigieuse pour vous aider à trouver un emploi. Méfiez-vous en outre des gourous trouveurs d’emploi qui profitent essentiellement de la détresse des demandeurs d’emploi.

Auteur de l'article: Florian Benoist

Juriste en droit social depuis 5 ans, Florian est un jeune dynamique et talentueux qui a œuvré dans différents cabinets d’avocats avant de prendre son envol en tant qu’autoentrepreneur. Il est désormais consultant et formateur à son compte et travaille notamment pour des TPE, associations, syndicats et des comités d’entreprise.