Les règles de la période d’essai

Par Fabrice AllegoetLe 3 juin 2015

La période d’essai n’est un secret pour personne. Tous les salariés, qu’ils soient en CDD ou en CDI, le savent, il faudra passer par cette période d’intégration où il faut démontrer ses compétences pour espérer la titularisation du contrat. La période d’essai dans le cadre du CDD est finalement assez courte mais l’enjeu est au-delà ; la durée du CDD et son renouvellement ou sa requalification en CDI. Pour les salariés déjà détenteurs d’un contrat de travail à durée indéterminée, il faut éviter d’une part, le renouvellement de la période d’essai qui peut conduire le salarié à travailler dans une forme d’incertitude permanente durant quatre, six ou huit mois et d’autre part, la rupture brutale de l’essai qui peut rappeler les heures sombres de la difficulté à trouver un emploi.

À quoi sert vraiment la période d’essai ?

Légalement, la période d’essai est une période d’observation et d’évaluation du salarié fraichement en poste, permettant à l’employeur dans la continuité d’une récente embauche de le tester et d’analyser ses compétences (article L1221-20 du code du travail). Il s’agit notamment pour l’employeur d’identifier de possibles lacunes liées à un savoir-faire technique ou de repérer des problèmes d’autonomie dans la mission. Au regard de la stricte application de la loi, c’est une période de latence qui offre l’opportunité de ne pas se tromper sur le nouvel embauché.

Pour le salarié, on l’oublie souvent, c’est aussi une chance ; en effet, il lui est permis sans préavis de mettre un terme à sa période d’essai. Cela lui confère donc un certain pouvoir : celui de ne pas donner suite à l’offre d’emploi s’il constatait une éventuelle incompatibilité entre ses attentes et ce que lui propose réellement l’entreprise. Il peut en effet y avoir un fossé entre l’énoncé du poste et la réalité du quotidien (article L1221-26 du code du travail).

Précisons tout de même qu’il existe une nuance entre préavis et délai de prévenance ; pour le salarié, rompre sa période d’essai, exige de respecter un délai de 48 heures avant de quitter effectivement l’entreprise (24 heures, si le salarié est présent depuis moins de 8 jours dans l’entreprise).

Aussi, il n’est pas possible d’appeler son employeur pour lui annoncer votre départ sans lui laisser un minium de temps pour se retourner.

Quelle est la bonne durée pour une période d’essai ?

Indiquons dès maintenant que l’employeur doit clairement signifier à la nouvelle recrue, qu’elle est prise « à l’essai » ; aussi, dans le contrat de travail (ou dans la lettre d’engagement a minima) qui est remis au salarié, la période d’essai doit être précisée tant pour sa durée que pour les motifs de son éventuel renouvellement. En effet, une période d’essai n’est pas « automatique » et elle ne se présume pas (article L1221-23 du code du travail).

La durée de la période d’essai varie inévitablement selon qu’il s’agisse d’un premier contrat de travail, d’un contrat à durée indéterminée précédé par un contrat à durée déterminée, d’un contrat signé à la fin d’un stage… Bref, il existe plusieurs cas où l’employeur ne peut pas imposer une durée de période d’essai de façon discrétionnaire.

Une période d’essai est également différente selon que le salarié est un employé, un agent de maitrise ou un cadre. Lorsque le poste confié au salarié implique une haute exigence de qualification et un fort potentiel de savoir-faire, le temps de l’observation sera évidemment plus important. Ainsi, pour un salarié titulaire d’un CDI, la période d’essai est de 2 mois au moins à 4 mois au plus exception faite d’une éventuelle poursuite (article L1221-19 du code du travail).

Il est toutefois important de souligner également que des dispositions conventionnelles antérieures (signées avant le 26 juin 2008) peuvent régir différemment la durée de la période d’essai ; elle peut être plus courte ou plus longue selon les cas prévus; il faut donc le vérifier le cas échéant. De même que l’employeur et le salarié peuvent s’entendre sur une durée plus courte que celle prévue par la loi (article L1221-22 du code du travail).

Un salarié qui est engagé dans le cadre d’un CDD est moins impacté par la période d’essai. En effet, le contrat en lui-même est déjà assez précarisant pour le salarié. La durée de l’essai est fonction de la durée du contrat de travail ; le salarié devra être évalué par l’employeur au maximum deux semaines durant si le CDD n’excède pas 6 mois d’activité et au plus durant 1 mois pour des CDD de plus de 6 mois.

Là aussi, il faut composer avec les exceptions conventionnelles qui peuvent tabler sur une durée plus courte, auquel cas, c’est cette durée qui s’applique prioritairement (article L1242-10 du code du travail).

Il peut arriver qu’à l’issue d’un CDD, le salarié soit conservé en poste et signe un nouveau contrat en CDI ; l’employeur est tenu de soustraire de la période d’essai prévu dans le cadre du CDI, la période ou les périodes d’essai en cas de CDD successifs déjà honorées par le salarié (Cass. soc. 9 octobre 2013, n° 12-12113). De même qu’un stagiaire qui signerait un contrat de travail dans les 3 mois suivant la fin de son stage doit bénéficier d’une réduction de la période d’essai proportionnelle à la durée du stage (article L1221-24 du code du travail).

Existe-t-il des limites au renouvellement de la période d’essai ?

La période d’essai relève du bon sens et non de la défiance. Les employeurs ne devraient pas abuser de ce temps d’intégration et d’observation au risque d’une part de frustrer le salarié et d’autre part d’être condamné par la justice, s’il était constaté une disproportion entre la durée totale de l’essai et les enjeux réel du poste confié au salarié. C’est notamment le cas, lorsque au prétexte d’être un cadre, l’employeur impose une période d’essai d’un an, renouvellement compris (Cass. soc. 11 janv. 2012, n° 10-17945).

Rappelons que le renouvellement de la période d’essai ne peut pas être automatique comme il est usuel de le constater dans certaines entreprises ; l’employeur ne peut pas davantage indiquer au salarié au début de la période d’essai que celle-ci sera renouvelée dans tous les cas.

Il faut impérativement que le renouvellement puisse être justifié par l’employeur. Pour cela, les motivations de ce dernier devront en outre reposer sur deux conditions cumulatives ; le contrat prévoit nécessairement la possibilité pour l’employeur de renouveler la période d’essai (article L1221-23 du code du travail) et une convention collective étendue doit indiquer les conditions du renouvellement et en fixer la durée (article L1221-21 du code du travail).

Le salarié a également son mot à dire ; que l’employeur souhaite poursuivre l’essai c’est une chose, que le salarié soit d’accord, en est une autre. Aussi, une demande de renouvellement de la période d’essai doit être soumise au salarié, lequel peut refuser ou accepter (Cass. soc. 25 novembre 2009, n° 08-43008).

Auteur de l'article: Fabrice Allegoet

Fabrice ALLEGOET est un formateur confirmé et certifié en droit social qui s'est spécialisé dans différentes matières (santé et sécurité au travail, RSE et développement durable, management et communication en entreprise). Il est l'animateur des Podcasts "Le CSE En Clair" et "Le Droit de Savoir by CÉOS".