Licenciement pour absences maladie répétées

Par Laure MartinetLe 6 octobre 2016

Au courrier du lundi matin, vous apprenez que Monsieur Z., est absent pour la semaine à venir, et c’est la cinquième fois que vous recevez ce type de lettre de la part de ce même salarié. Outre le profond agacement que cela vous procure, vous songez fortement à entamer une procédure de licenciement pour absences maladies répétées et vous vous interrogez sur la façon dont il faut s’y prendre et quelles en sont les conditions.

Conditions du licenciement pour absences maladie répétées

En règle générale, il est interdit à l’employeur de licencier un salarié à cause de son état de santé ou en raison d’un handicap (article L1132-1 du code du travail). Attention de ne pas confondre cette interdiction avec les situations où l’état de santé d’un salarié fonde l’employeur à procéder au licenciement. Correspond ainsi à cette hypothèse, le licenciement pour absences maladie répétées dès lors que l’origine est non-professionnelle. Pour ces raisons, un employeur peut être autorisé à licencier son salarié sous deux conditions cumulatives. Son absence doit perturber le fonctionnement de l’entreprise et nécessiter, par conséquent, un remplacement définitif du salarié absent.

Le cumul de ces conditions a toute son importance. Dans l’hypothèse où l’une des deux ne serait pas remplie et que l’employeur procède malgré tout au licenciement, ce dernier serait alors sans cause réelle ni sérieuse.

Interprétation de la perturbation de l’entreprise

La perturbation du fonctionnement de l’entreprise s’interprète en fonction de plusieurs critères. Ainsi il y a perturbation dans l’hypothèse où le salarié occupe une place non négligeable, tel qu’un poste à responsabilités ou demandant des compétences et connaissances spécifiques. La taille de l’entreprise peut avoir un impact sur l’intensité de la perturbation liée à l’absence du salarié. Dans une TPE ou une PME, l’impact sera d’autant plus grand dans la mesure où il génère une difficulté pour répartir le travail de l’absent. Dans un grand groupe, il ne s’agit pas de dire que l’absence ne se remarque pas ou presque, mais en tout cas il pourra être remédié plus facilement à la situation.

Durée de l’absence et appréciation des juges

La durée de l’absence relève de l’appréciation souveraine des juges. Ainsi, un salarié occupant le poste de conducteur-receveur, qui a été absent pendant deux cent soixante-quinze jours en 2010 et pendant cent quatre-vingts jours en 2011 pour maladie a été licencié par son employeur. Autant de journées d’absences entraînent forcément un besoin de réorganisation au sein de l’entreprise pourrait-on penser et donc une cause réelle et sérieuse de licenciement pour absences maladie répétées du salarié.

Jurisprudence

C’est à tort, a rétorqué la Cour de cassation en fondant sa décision sur le fait que l’employeur ne rapportait pas la preuve que causait l’absence répétée de ce salarié (Cass. Soc. 12 janvier 2016 n°14-17.642). Cette illustration démontre à quel point il est impossible de déterminer à partir de quelle fréquence l’absence au travail peut conduire à un licenciement pour absences maladie répétées.

Cette condition de perturbation amène l’employeur à prouver la seconde condition caractérisée par la nécessité de remplacement définitif du salarié absent. Ainsi ne peut pas être considérée comme une nécessité, le remplacement d’un stagiaire, d’un intérimaire ou d’un salarié en CDD. Il faut a minima que le salarié ait été embauché sous CDI. La nécessité n’est pas non plus caractérisée dès lors que l’employeur dispose de la possibilité de faire appel à un salarié d’une autre filiale, de procéder à un remaniement de la réparation du travail, etc. (Cass. Soc. 30 juin 1993, n°90-44.165). L’employeur souhaitant remplacer un de ses salariés pour absences répétées ou maladie doit l’en informer au jour de son licenciement.

Convention collective et clause de garantie de l’emploi

L’envie de licencier ce salarié aux absences répétées vous démange parce que vous pensez remplir les deux conditions précédentes ? Pas de précipitations ! Un employeur avisé en vaut deux. Afin de se sécuriser, l’employeur doit en effet, en plus des conditions précédemment énumérées, rechercher dans la convention collective en rapport avec l’activité de l’entreprise s’il n’existe pas une clause de garantie d’emploi. Cette dernière constitue une sorte d’immunité pour le salarié à absences ou maladies répétées. En vertu de cette clause, il est interdit à l’employeur de licencier son salarié pendant la période prévue par la clause et de le remplacer définitivement avant que cette même période n’expire. À défaut de quoi le licenciement est sans cause réelle ni sérieuse (Cass. Soc. 23 janvier 2013 n°11-28.303). Il faut, en outre, se méfier des termes employés par la convention collective : absences prolongées n’est pas absences répétées. Si la clause prévoit une absence prolongée de six mois, cela ne donne pas le droit à l’employeur de cumuler les périodes d’absences répétées jusqu’à atteindre ladite période (Cass. Soc. 7 octobre 1992, n°89-40.083).

Motifs et procédure de licenciement

Dans l’hypothèse où l’employeur décide de procéder au licenciement pour absences maladie répétées, des conditions de fond et de forme sont à respecter scrupuleusement. Ainsi, une lettre recommandée avec accusé de réception doit être notifiée au salarié l’informant de sa convocation à un entretien préalable de licenciement. Cette décision de licenciement doit être prononcée au moment où le salarié est toujours indisponible.

La lettre doit impérativement contenir les motifs du licenciement, à savoir : la perturbation du fonctionnement de l’entreprise liée aux absences et/ou maladies répétées du salarié ainsi que la nécessité de remplacer définitivement ce dernier.

Ces motifs doivent obligatoirement et expressément apparaître dans la lettre (Cass. Soc. 8 avril 2009, n°07-43.909). Dans le contenu de cette lettre, il s’agit également de faire part au salarié des raisons pour lesquelles l’employeur se trouve dans l’incapacité de trouver un remplaçant temporaire pour le poste du salarié absent. À la suite, il est fortement conseillé de mentionner l’ensemble des dates et périodes pendant lesquelles le salarié a été absent et/ou malade.

Droit à des indemnités

Le licenciement pour absences maladie répétées a droit à une indemnité légale de licenciement. Cette dernière est ouverte à tout salarié ayant une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur et dont le licenciement ne résulte pas d’une faute grave (article 1234-9 du code du travail). L’employé peut toutefois bénéficier de l’indemnité conventionnelle de licenciement. Il bénéficiera de l’indemnité qui lui est la plus favorable (Cass. Soc. 15 janvier 1997 n°93-44.293).

Ces différentes indeminités ne peuvent pas se cumuler.

Afin de savoir laquelle est la plus profitable au salarié, il s’agit de savoir laquelle des deux est la plus élevée après majoration de l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective et majoration de l’indemnité légale de licenciement déterminé d’après un calcul effectué sur la base de rémunération moyenne. Le salarié qui bénéficie de l’indemnité légale de licenciement peut bénéficier, en fonction de sa situation de licenciement pour absences maladie répétées, d’autres indemnités telles que l’indemnité compensatrice de congés payés ; l’indemnité en cas de violation de l’engagement contractuel relatif à la clause de garantie de l’emploi (Cass. Soc. 4 mars 2008, n°06-45.221) ou encore l’indemnité pour licenciement irrégulier, sans cause réelle ni sérieuse ou nulle dans le cas où l’employeur n’aurait pas respecté les conditions de fond et de forme relatives au licenciement pour absences maladie répétées précitées.

Le cumul de l’indemnité légale peut également se faire avec les allocations du régime d’assurance chômage. En revanche, le cumul est impossible avec les indemnités relatives au départ ou celles concernant la mise à la retraite.

Auteur de l'article: Laure Martinet

Diplômée d’un Master II Pratiques juridiques et judiciaires en droit privé dont elle est sortie major de promotion, Laure Martinet est actuellement en train de préparer l’examen d’entrée à l’école d’avocats. Ses nombreux stages en cabinets d’avocats lui ont permis d’expérimenter les divers aspects de la profession telle que la rédaction d’actes, la recherche juridique ou encore le relationnel s’établissant entre les clients et le professionnel.