Mener une négociation annuelle obligatoire

Par Charleine AmelineLe 5 octobre 2017

La négociation annuelle obligatoire devient essentielle depuis ces dernières années. Anticiper les difficultés plutôt que de les voir naître, tel était l’un des fondements des célèbres lois Auroux de 1982. Le texte issu de la loi n°82-957 du 13 novembre 1982 instaure la première négociation annuelle obligatoire d’entreprise sur les salaires, la durée du travail et son organisation. La législation en la matière n’a eu de cesse de s’étoffer depuis.

Dans les branches professionnelles et les entreprises, représentants des salariés et du patronat sont tenus de s’assoir autour de la table et d’ouvrir le dialogue.

Négociation annuelle obligatoire : tous concernés ?

Non. La négociation annuelle obligatoire ne vise que les établissements où sont implantées une ou plusieurs organisations syndicales représentatives du personnel (article L2242-1 du Code du travail). Rappelons que pour acquérir sa représentativité, le syndicat doit avoir franchi le seuil des 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles. Atteindre ce score est l’une des conditions pour pouvoir désigner un délégué syndical, seul habilité à négocier un accord issu de la négociation annuelle obligatoire (NAO).

L’entreprise est considérée comme le lieu privilégié par le Code du travail pour entamer ce genre de discussions.

La jurisprudence admet en outre qu’un établissement distinct puisse également les organiser, à la condition qu’il dispose d’un délégué syndical. Celui-ci conserve un droit d’opposition en la matière. Il peut légitimement demander que la NAO ait lieu de préférence au niveau de l’entreprise (Cass. Soc. 12 juillet 2016 N°14-25.794). Cette dernière peut aussi être exemptée de son obligation lorsqu’elle appartient à un ensemble de sociétés. Dans cette hypothèse, un accord de groupe doit prévoir que tout ou partie des thèmes obligatoires de négociation seront assumés à ce niveau. La dispense s’applique aussi dans le cas où les sujets traités sont déjà inclus dans maillage conventionnel de l’entité. La plupart des organisations syndicales préconisent à leurs délégués de ne pas succomber au chant des sirènes. Plus proche des problématiques concrètes des salariés, la négociation annuelle obligatoire d’entreprise reste à privilégier.

Question

Quels sont les thèmes sur lesquels négocier ?

Thèmes de la négociation annuelle obligatoire

Les thèmes de la négociation obligatoire ont été drastiquement réorganisés en 2015 par la loi Rebsamen (loi n°2015-994 du 17 août 2015). La réforme a regroupé les douze sujets originaux en trois grands blocs thématiques. Avant de présenter le contenu de la NAO, il convient d’évoquer brièvement l’obligation triennale dévolue à certaines entreprises. Celle-ci concerne uniquement les sociétés qui emploient plus de trois cents salariés. Les négociateurs se réunissent tous les trois ans autour des problématiques liées à la gestion de l’emploi et des carrières au sein de l’entreprise. C’est à cette occasion que sont organisés, par exemple, les plans de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), de formation professionnelle ou encore de mobilité interne. Cette négociation triennale peut avoir lieu… tous les cinq ans ! Le législateur a récemment autorisé un aménagement, par voie d’accord collectif, des règles relatives à la négociation obligatoire (loi n°2016-1088 du 8 août 2016).

Précision juridique

La négociation annuelle peut, quant à elle, avoir lieu tous les trois ans. Et bientôt tous les quatre ans.

La dernière réforme du Code du travail modifie le régime juridique de la négociation obligatoire. Un accord d’entreprise peut désormais en définir les thèmes, la périodicité, les modalités de négociation et de suivi. Depuis la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, il était déjà possible d’engager la négociation annuelle obligatoire tous les trois ans. Le délai est repoussé à quatre ans. En l’absence d’accord, l’employeur devra appliquer les règles traditionnelles relatives à la NAO.

Les textes distinguent deux grandes thématiques de négociation annuelle obligatoire.

Le premier regroupement est évoqué par l’article L2242-13 du Code du travail. L’obligation de négocier concerne les salaires, la durée du travail, les dispositifs d’épargne salariale. Il inclut aussi les mesures de réduction des inégalités salariales et professionnelles entre les hommes et les femmes. À ce premier bloc « quantitatif », l’article L2242-17 du Code du travail adjoint un second, plus « qualitatif ». Il concerne principalement la lutte contre les discriminations, le sexisme au travail et l’exclusion des personnes handicapées. Les débats portent également sur la préservation de la vie personnelle des salariés, sur leur droit de s’exprimer au sujet de leurs conditions de travail et sur leur droit à la déconnexion. L’employeur doit aussi saisir cette occasion pour instaurer un régime de prévoyance et frais de santé.

Comment organiser une négociation annuelle obligatoire ?

C’est à l’employeur qu’il incombe d’initier la procédure de négociation annuelle obligatoire. Ne pas en respecter les règles constitue un délit, puni d’un an d’emprisonnement et de 3750 euros d’amende (article L2243-1 du Code du travail). Le chef d’entreprise doit s’exécuter au plus tard à expiration d’un délai de douze mois à compter de l’ouverture des dernières négociations. S’il passe outre son obligation, un délégué syndical de l’entreprise peut lui-même solliciter l’ouverture des discussions. L’employeur dispose de huit jours pour transmettre sa demande aux autres organisations syndicales représentatives. La première réunion se tient dans les quinze jours suivants la demande initiale. Qui peut y participer ? L’article L2232-17 du Code du travail permet aux délégués syndicaux de chaque organisation de constituer une délégation, composée de salariés de l’entreprise. Leur nombre est en principe déterminé en accord avec l’employeur.

La règle du « un pour un » s’applique à défaut d’accord : un délégué syndical peut être accompagné par un membre du personnel.

Le temps passé en réunion est considéré comme du temps de travail effectif, et donc rémunéré en conséquence. Dans les grandes entreprises, les parties prenantes de la NAO bénéficient d’heures de délégations supplémentaires pour préparer leurs argumentaires. L’article L2143-16 du Code du travail accorde douze heures par an dans les entreprises d’au moins cinq cents salariés et vingt-quatre heures lorsque l’effectif est supérieur à mille personnes. Ce crédit d’heures de préparation n’est pas réservé qu’aux seuls délégués syndicaux. Il est alloué à l’ensemble des membres de la délégation. Ces derniers disposent aussi d’un droit à l’information. L’employeur doit leur fournir les éléments nécessaires au bon déroulement des négociations. Ils accèdent notamment au contenu de la base de données économiques et sociales (BDES).

Obligations durant la négociation annuelle obligatoire

Pendant les négociations, il est interdit à l’employeur de prendre des mesures relatives à l’un des thèmes en discussion. Seule l’urgence justifierait une telle décision. Les juges ont par exemple considéré que la dénonciation d’un accord collectif portant sur un thème actuellement en négociation était irrégulière (Cass. Soc. 29 juin 1994 N°91-18.640). La validité de l’accord de NAO répond aux mêmes conditions que les accords d’entreprise classiques (articles L2232-12 et suivants du Code du travail).

Attendue pour le 1er septembre 2019, la généralisation des accords majoritaires sera plus rapide que prévu. La réforme du Code du travail annonce la date du 1er mai 2018.

La validité d’un accord collectif d’entreprise sera conditionnée à la signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant récolté au moins 50% des voix lors des dernières élections professionnelles. Et si employeur et salariés ne parviennent pas à s’entendre ? L’obligation de négocier n’engage en rien les parties à tomber d’accord. La procédure peut aboutir à un procès-verbal de désaccord. Ce document récapitule les points de blocage que l’employeur envisage de mettre en œuvre malgré l’échec des négociations.

Jurisprudence

La jurisprudence rappelle que la constitution de ce dossier est un préalable obligatoire à toute prise de mesure unilatérale (Cass. Soc 13 février 2002 N°99-46.268).

Auteur de l'article: Charleine Ameline

Juriste en droit social, Charlène Ameline a commencé par exercer son métier dans une organisation syndicale. Aujourd'hui en freelance, elle s’est spécialisée dans la rédaction d'articles web sur les différents thèmes du droit du travail. En septembre prochain, elle commencera une préparation à l’examen d’entrée à l’école des Avocats.