La mobilité internationale des salariés

Par Charleine AmelineLe 15 août 2017

Croissance des échanges internationaux, multiplication des accords industriels et commerciaux, instauration de cadres réglementaires communs : l’internationalisation de l’économie n’est aujourd’hui plus à démontrer avec pour conséquence, le recours à la mobilité internationale des salariés.

L’activité économique s’apprécie désormais hors des frontières des États.

La mobilité internationale des salariés touche les français

Parties prenantes de ce phénomène, les entreprises françaises se battent elles aussi pour la conquête des marchés extérieurs, notamment via l’implantation à l’étranger de filiales ou de joint-ventures. Nombreuses sont celles qui mobilisent des salariés français, dotés de la formation et des compétences nécessaires au développement de ces antennes locales. Principalement présentes dans l’industrie, les services et le commerce, les multinationales françaises emploient 5.5 millions de personnes dans plus de 190 pays (données INSEE – 12 mai 2017).

Partir travailler à l’étranger s’avère une expérience riche, tant sur le plan professionnel que personnel.

Les formes de la mobilité internationale sont multiples

Aventure que certains décident même de tenter seul, directement embauchés par une entreprise étrangère ou dans le cadre de missions d’intérim. Travailleurs détachés ou expatriés : quels sont les différents statuts possibles ? Les problématiques juridiques sont protéiformes selon les cas. De quel régime de sécurité sociale dépendent ces salariés ? Concernant leur représentation collective, de quels droits bénéficient-ils ?

Le statut du salarié en mobilité internationale dépend de son régime de sécurité sociale.

Dans tout projet entrepreneurial impliquant la mobilisation de salariés à l’étranger, le choix de leur statut est fondamental. La décision appartient à l’employeur. Si le terme d’expatrié reste souvent indifféremment employé dans le langage courant, il couvre cependant deux situations bien distinctes. Juridiquement, l’expatriation ne se confond pas avec le détachement. La différence réside principalement dans le régime de protection sociale applicable. Le code du travail s’intéresse peu, en effet, à la mobilité internationale des salariés. Si la réglementation européenne énonce clairement les règles concernant le détachement au sein de l’Union, c’est dans le code de la sécurité sociale que l’on trouve la seule définition précise des deux grands statuts de la mobilité internationale.

Ainsi, le travailleur détaché reste affilié à la sécurité sociale française.

Une entreprise peut décider de détacher un membre de son équipe pour une période déterminée, auprès d’une entité étrangère. Le contrat de travail est maintenu, le déplacement est formalisé par un avenant ou une lettre de mission, pourvus des mentions obligatoires imposées par l’article R1221-34 du code du travail. Le salarié continue de faire partie intégrante de la société, il perçoit sa rémunération, reste compris dans le calcul de l’effectif et conserve ses droits sociaux. L’employeur doit alors s’acquitter de l’ensemble des cotisations sociales dues au régime général français. Des accords ont en outre été conclus pour éviter des situations de double versement. Lorsque le salarié se rend dans un état membre de l’Union européenne ou dans un pays avec lequel la France a signé un accord bilatéral de sécurité sociale, il n’est pas tenu de cotiser dans le pays d’accueil. Dans le cas contraire, les cotisations sont dues dans les deux pays. Aux termes de l’article L761-1 du code de la sécurité sociale, une mobilité internationale dans le cadre d’un détachement doit cependant demeurer temporaire. La durée maximale, fonction du lieu de destination, est comprise entre 6 mois et 3 ans, parfois avec possibilité de renouvellement. Passé ce délai, le travailleur détaché que l’entreprise d’origine n’aurait pas rapatrié se verra d’office rattaché au régime de l’expatriation.

Exempt de cette limitation temporelle, le statut d’expatrié se révèle parfois plus attractif.

Le salarié expatrié quitte la sécurité sociale française pour le régime du pays d’accueil. Si le travailleur détaché continue de relever du régime de sécurité sociale, l’expatrié au contraire s’en extrait. Son statut est fixé aux articles L762-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Dans le cadre d’une expatriation, le contrat de travail français est généralement suspendu, pour permettre la conclusion d’un contrat local. C’est le cas lorsqu’une entreprise met un salarié à disposition d’une de ses filiales étrangères. Le contrat peut aussi être totalement rompu.

Dans les deux configurations, l’expatrié ne relève plus de la législation française, mais de celle du pays d’accueil.

Bien souvent toutefois, au vu de l’asymétrie des différents systèmes de couverture sociale, les salariés souhaitent continuer à bénéficier du haut niveau de protection garanti dans l’hexagone. C’est par exemple le cas dans la plupart des pays d’Afrique, continent sur lequel la France est fortement implantée, où le dispositif public de protection social est quasi inexistant. Les travailleurs expatriés dans de telles conditions peuvent ainsi décider de cotiser volontairement à la Caisse des Français de l’Étranger, la CFE. Dans cette hypothèse, l’employeur est tenu d’informer son personnel quant à la possibilité d’une telle adhésion. Un manquement à cette obligation peut se révéler lourd de conséquences… pour les deux parties ! Un employé d’une grande chaîne de restauration collective, non averti de sa situation, a récemment obtenu la reconnaissance du préjudice qu’il subissait, lié à la perte de ses droits à la retraite, ainsi que la condamnation de la société à une peine de dommages et intérêts (Cass. Soc. 25 janvier 2012 n°11-11.374). Pour éviter cela, les entreprises se chargent parfois directement d’effectuer l’ensemble des formalités auprès de la CFE.

Fondations du cadre juridique de la mobilité internationale

Elles sont ancrées dans le droit de la Sécurité sociale, expliquant la technicité de la matière. Dans le cadre de la conclusion et l’exécution d’un contrat de travail international, les points de tension sont nombreux. Vers qui se tourner en cas de différend ? Quels liens les salariés en déplacement entretiennent-ils avec les instances représentatives du personnel (IRP) de leur entreprise d’origine ?

La représentation collective des salariés dans le cadre d’une mobilité internationale.

Éloignés des sièges sociaux français, les travailleurs de l’étranger ne sont pas, pour autant, privés de leur droit à la représentation syndicale et collective. L’intégration des travailleurs détachés et expatriés à la vie collective de leur entreprise d’origine connaît de nombreux obstacles. Les salariés envoyés à l’étranger sont principalement des cadres, catégorie sociologiquement peu encline à l’action collective. Généralement absents à l’occasion des élections professionnelles, ils ne connaissent pas forcément leurs élus avec lesquels la communication s’avère souvent difficile du fait de la distance géographique. La mise en place en 2016 du vote électronique pour les élections des représentants du personnel, pourrait toutefois encourager leur participation aux différents scrutins. Côté représentants, ces derniers ne sont pas toujours convenablement informés de la particularité des conditions de travail à l’étranger ni formés au droit de la mobilité internationale.

La ténuité des liens entre les IRP et le personnel établi hors de France est accentuée par la pluralité de leurs statuts.

Selon la nature du contrat signé, les conditions d’exercice de leurs droits collectifs différent.

Mobilité internationale et élections professionnelles

Dans le cadre d’un détachement, le contrat de travail français étant maintenu, le salarié reste intégré à l’entreprise française, électeur et éligible aux élections professionnelles. En ce qui concerne les salariés expatriés, en revanche, cette solution ne va pas de soi. Durant la période de mobilité internationale, l’expatrié n’exécute plus son contrat français. Il est lié à sa nouvelle société par un contrat local et doit respecter la réglementation et les accords collectifs du pays d’accueil. Il perd, en principe, sa qualité d’électeur ainsi que la possibilité d’exercer tout mandat représentatif.

Sur cette question, la jurisprudence se montre moins tranchée.

Elle prend en compte l’état des relations hiérarchiques qui existent entre le salarié et son employeur initial. Ce fut par exemple le cas de cinq expatriés qui, n’ayant pas été inscrits sur les listes électorales en vue de l’élection des membres du Comité d’entreprise, ont fait valoir le lien de subordination qui les liait toujours à leur entreprise d’origine. La banque qui les employait restait en effet décisionnaire quant à la date de leur retour en France (Cass. Soc. 4 avril 2001 n°99-60.572). La rupture du lien de subordination, c’est-à-dire le fait de travailler sous l’autorité de son employeur, n’est en effet pas toujours franche.

Dans certains pays, la réglementation interdit aux entreprises étrangères d’ouvrir une filiale sans avoir préalablement trouvé un partenaire local avec lequel constituer une joint-venture.

C’est le cas au Ghana dans le secteur pétrolier par exemple. Cette nouvelle entité devient, légalement, l’employeur du personnel français mis à sa disposition. Mais dans les faits, pour des raisons de facilité de gestion, les expatriés continuent à être gérés depuis le siège, qui pilote les activités sur place, contrôle l’exécution du travail, édite les bulletins de paie, etc. La convention collective et les accords d’entreprise continuent aussi de s’appliquer. Dans de telles conditions, il paraît difficile de concevoir que les expatriés, encore étroitement liés à leur société de base, puissent être écartés de la participation aux élections professionnelles. Qu’ils soient expatriés ou détachés, qu’ils cotisent au régime général de la Sécurité sociale ou à la CFE, les salariés qui travaillent à l’étranger bénéficient tous d’un statut reconnu par le droit. Leur éloignement géographique ne devrait pas avoir pour conséquence de les tenir à l’écart des acquis sociaux de leur pays d’origine, notamment en termes de droit à la représentation collective.

Certaines organisations syndicales l’ont compris et travaillent, notamment via la création de structures dédiées, à l’étude et à la défense des intérêts propres à ces travailleurs bien particuliers, ceux que l’on appelle les « expatriés ».

Auteur de l'article: Charleine Ameline

Juriste en droit social, Charlène Ameline a commencé par exercer son métier dans une organisation syndicale. Aujourd'hui en freelance, elle s’est spécialisée dans la rédaction d'articles web sur les différents thèmes du droit du travail. En septembre prochain, elle commencera une préparation à l’examen d’entrée à l’école des Avocats.