Obligation de sécurité de résultat

Par Aurelia De CilliaLe 11 avril 2016

Une obligation de sécurité de résultat de l’employeur est un principe légal, laissé au pouvoir souverain d’appréciation des juges de la Cour de cassation. Pour certains, cette obligation accable l’employeur, et pour d’autres, elle n’est pas suffisante pour la protection du salarié. Comme son nom l’indique, il s’agit d’une obligation de résultat et non d’une obligation de moyen. La différence vient qu’il ne s’agit pas de justifier d’avoir mis toutes les mesures nécessaires en place, il faut atteindre le but escompté. Or, il n’est pas facile de prévoir un « résultat » lorsque l’on parle de santé mentale ou physique d’une personne humaine.

La jurisprudence, au cours des années va s’efforcer de venir équilibrer les deux parties tout en restant le plus juste possible dans son évolution.

Obligation de sécurité de résultat – genèse

Cette obligation de sécurité de résultat de l’employeur est née du fameux arrêt de 2002 (Cass. Soc. 28 février 2002, n°99-18.389). Cet arrêt a ouvert la voie à une multitude d’arrêts appelés « les arrêts amiantes ». En effet, les personnes exposées à l’amiante par leur travail ou sur leur lieu de travail déclaraient de graves maladies ayant pour cause exclusive ce produit d’isolation. L’exposition à l’amiante pour raison professionnelle conduira ainsi à la reconnaissance de la maladie comme étant une maladie professionnelle. L’indemnisation du salarié se fera de facto à ce titre.

L’amiante et ses effets irrémédiables (cancers du poumon, asbestose, mésothéliome…) ne sont pas passés inaperçus. Ce « scandale » pour l’opinion a abouti à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur (Cass., CH. 15 juillet 1941, n°00-26.836) pour manquement à son obligation de sécurité et de résultat. Lorsque la faute inexcusable de l’employeur est actionnée (article L451-1 du code de la sécurité sociale), l’indemnisation du salarié est facilitée. Le salarié doit amener la « gravité » exceptionnelle de la faute et étayer que l’employeur doit se soucier ou aurait dû se soucier de la santé de ses subordonnés au travail. Depuis ses arrêts, la reconnaissance de la faute inexcusable est au bénéfice du salarié.

L’obligation pour l’employeur se voit renforcée : il doit veiller au respect de ses salariés dans l’univers professionnel en prenant des mesures leur évitant de développer des maladies ou provoquer des accidents.

Cette obligation trouve notamment sa source dans la charte sociale européenne du 3 mai 1996 à l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne et dans la directive-cadre du 12 juin 1989 (directive 89/391/CEE) qui prônent le droit à la sécurité et à l’hygiène au travail, le droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité, sa dignité, la prévention des risques et établissent le principe d’effectivité. Également, le code du travail (articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail) encadre cette notion en rappelant à l’employeur son statut et ses obligations. En tant qu’employeur il doit mettre en œuvre des mesures remplissant son obligation de sécurité et de résultat. Toutes ces mesures tendent à l’amélioration des conditions de travail des salariés axés sur la santé et la sécurité de celui-ci.

Responsabilité de sécurité de l’employeur

L’employeur doit veiller au bien-être de ses salariés. Il doit assurer leur protection mentale et physique en protégeant leur santé au sens large. Il doit respecter néanmoins le choix de certains salariés de fumer, mais il doit protéger les non-fumeurs contre le tabagisme passif (Cass. Soc. 6 octobre 2010, n°09-65.103). Si tel n’est pas le cas, tout salarié peut l’attaquer en amenant le simple fait qu’il ne respecte pas les conditions de la santé publique et regard de l’interdiction de fumer dans un lieu public, sans avoir à argumenter de son taux de nicotine dans le sang. Une obligation de sécurité de résultat implique de l’employeur qu’il respecte les recommandations du médecin du travail au regard de la santé de ses salariés. Certes, il n’est pas médecin, mais il se doit d’être attentif aux recommandations de la médecine du travail. Lorsqu’un salarié a été arrêté à plusieurs reprises suite à un accident du travail, la visite médicale de reprise est obligatoire avant la réembauche. C’est un passage obligé participant à l’obligation de prévention et de veille à la santé du salarié (Cass. Soc. 28 février 2006, n°05-41.555).

Le non-respect de cette règle engage la responsabilité de l’employeur. En effet, l’employeur doit vérifier dans quelles conditions le salarié peut reprendre son ancien poste.

La responsabilité de l’employeur est très large. Si un salarié se sent menacé ou dénigré par un autre salarié, celui-ci peut engager ainsi la responsabilité de l’employeur. Il devra apporter la preuve par un faisceau d’indices du comportement humiliant afin de pointer du doigt le harcèlement. C’est un sujet délicat, car il porte atteinte à la dignité du salarié, il dégrade les conditions de travail et altère la santé physique et morale. L’employeur sera condamné qu’il agisse ou pas, le fait constitutif du harcèlement moral étant né et déjà présent. Ainsi, le licenciement de l’harceleur par l’employeur n’écartera pas sa responsabilité (Cass. Soc. 21 juin 2006, n°05-43.914). L’implication de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat n’est pas limitée sur un territoire géographique, elle s’intéresse au « lien » avec le travail. Lorsqu’un salarié se suicide pour raison professionnelle sur son lieu de travail ou chez lui, l’employeur verra sa responsabilité engagée pour non-respect de la santé mentale de ses salariés (Cass. Soc. 20 septembre 2006, n°05-42.925).

L’évolution de l’obligation de sécurité de résultat

Rares sont les cas où les juges de la Cour de cassation reconnaissent les mesures de préventions prises par l’employeur comme suffisantes. En effet comme dans toute obligation de sécurité et de résultat, peu importe les moyens mis en œuvre, seul le résultat compte. Lorsqu’il n’est pas atteint, il y a faute. Cependant, un arrêt récent développe l’appréciation des juges au regard du lien établi avec la cause professionnelle et les moyens établis (Cass. Soc. 25 novembre 2015, n°14-24.444).

Suite aux attentats du 11 septembre 2001 aux états unis, un pilote d’avion-témoin de cette tragique journée attaque son employeur pour manquement à son obligation de sécurité de résultat plusieurs années après. En effet, en 2006, soit 5 ans plus tard, ce pilote se dit victime d’une « crise de panique » sur son lieu de travail et fait le lien avec les attentats. Le salarié est débouté en appel et la Cour de cassation rejette son pourvoi au motif que l’employeur a manifesté des actions de prévention nécessaires et suffisantes afin d’assurer la « sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses employés ». En l’espèce, la société aérienne avait fait prendre en charge l’équipage par une horde de médecins qui se relayaient 24/24 heures. Suite à cette prise en charge, les salariés avaient tous été déclarés « aptes » aux successives visites médicales et avaient repris leur travail. Ainsi, le lien entre les attentats datés de 2001 et la crise de panique survenue en 2006 n’a pu être établi.

À la lecture de l’arrêt précédemment cité, on assiste à un assouplissement : l’obligation de sécurité de résultat semble devenir une obligation de moyen.

Cet assouplissement a été longtemps attendu par le patronat. Auparavant, que l’employeur applique des mesures de prévention ou pas, du moment que le harcèlement notamment était déclaré, l’employeur était reconnu responsable. Or depuis cet arrêt, si l’employeur fait la preuve de sa bonne foi et des moyens mis en œuvre, il peut voir sa responsabilité écartée. Bien sûr, les juges de la Cour de cassation auront toujours la charge de juger de l’effectivité des mesures prises et apprécieront les efforts de prévention.

Dans la pratique, l’employeur est amené à s’intéresser toujours davantage à la sécurité de ses salariés pour le plus grand bien de ces derniers. En effet, il n’a aucun intérêt à prendre des « mesurettes », car si le risque se réalise, les juges apprécieront de la qualité des mesures pour le relever ou non de son manquement à son obligation. 

Auteur de l'article: Aurelia De Cillia

Aurélia DE CILLIA est juriste en droit social. Issue d'un cabinet de conseil, après avoir été diplômée d'un master 2 droit de la protection sociale, et d'un master 1 droit social à la faculté de Montpellier, elle aime rédiger des articles dans son domaine et se tenir informée de la législation en vigueur.