Travail et pathologies psychiques

Par Isabelle Vidal-LeonLe 6 septembre 2015

Est-ce une avancée timide de considérer certaines pathologies psychiques comme du ressort des maladies d’origine professionnelle ? Certainement même si l’on peut regretter que le syndrome d’épuisement professionnel (burn-out) n’ait pas été inscrit au tableau des maladies professionnelles. La différence réside bien au cœur de ces deux appellations ; il ne faut pas confondre la reconnaissance d’une maladie placée au rang de maladie professionnelle avec la reconnaissance d’une pathologie caractérisée d’origine professionnelle.

Régime légal des maladies d’origine professionnelle

La loi Rebsamen sur le dialogue social (LOI n°2015-994 du 17 août 2015 – art. 27) a quelque peu modifié le regard que l’on peut désormais porter sur certaines pathologies psychiques comme le burn-out, la dépression, le stress lié au travail, le bore-out

Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d’origine professionnelle depuis le 19 août 2015 au même titre que peuvent l’être des maladies caractérisées non désignées dans le tableau de maladies professionnelles (article L461-1 du code de sécurité sociale).

Il convient de rappeler toutefois, qu’un lien doit être établi entre la cause de cette maladie et les conditions usuelles de travail du salarié, désigné comme victime et faut-il tout de même que cette pathologie entraîne un certain taux d’incapacité de travail (article L434-2 du code de sécurité sociale), de façon permanente à un niveau suffisant qu’il convient de rapporter à un décret qui fixera le taux d’incapacité permanente spécifique applicable aux maladies psychiques.

Ajoutons qu’une maladie d’origine professionnelle qui ne peut pas être reconnue légalement comme une maladie professionnelle, peut, sous certaines conditions, ouvrir droit à une indemnisation sur le fondement de textes régissant la responsabilité civile (articles 1382 et suivants du code civil). En effet, rappelons que tout employeur est tenu d’assurer la sécurité des salariés qu’il emploie.

Aussi, si le salarié préjudicié est en capacité d’apporter la preuve d’un lien de causalité entre ses conditions de travail et sa maladie (Cass. soc. 11 mai 1962, n° 58-40176), un tribunal pourrait condamner l’employeur à verser des dommages-intérêts.

C’est ainsi qu’un salarié a pu voir son cancer du poumon, non reconnu comme maladie professionnelle, être indemnisé du fait de négligences de l’employeur (TGI Créteil, 10 déc. 1997, n° 808/97). Peut-être que demain, une pathologie psychique pourrait être défendue sous ce même angle de droit et de responsabilités ?

Reconnaissance d’une maladie d’origine professionnelle

Une maladie d’origine professionnelle doit faire l’objet d’une expertise médicale approfondie. En effet, dans un tel cas, la CPAM ne peut admettre l’origine professionnelle de la maladie qu’après avoir recueilli l’avis d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) comme en dispose l’application du 5ème alinéa de l’article L461-1 du code de sécurité sociale.

Précisons à cet effet, que le CRRMP dispose de recommandations élaborées par un autre groupe de travail appelé le Comité d’orientation sur les conditions de travail (COCT) afin de fonder son analyse quant au lien de causalité entre l’affection psychique dont souffre le salarié et ses conditions de travail (Circulaire CNAMTS CIR-12/2014 du 12 juin 2014).

Notons qu’à l’article 33 de la loi relative au dialogue social et à l’emploi, il est indiqué une possible intégration des affections psychiques dans le tableau des maladies professionnelles ou à tout le moins de l’abaissement du seuil d’incapacité permanente partielle pour ces mêmes affections ; ceci ne sera envisagé qu’à la lumière d’un rapport qui devra être remis par le gouvernement au parlement au plus tard, avant le 1er juin 2016.

Pathologies psychiques – une avancée utile aux salariés

Pour l’heure, rien ne constitue une avancée significative mais l’intégration de la notion relative aux pathologies psychiques au sein du code de sécurité sociale permettra que les maladies d’origine professionnelle à l’image du syndrome d’épuisement professionnel plus connu sous la dénomination de burn-out, soit davantage reconnu.

Les modes de production évoluent et le niveau de résistance des salariés en matière de charge travail et d’urgence de réalisation changent également ; il est central que cela soit mieux pris en compte dans les diagnostics médicaux afin que les employeurs admettent que certaines conditions de travail qu’ils imposent à leurs salariés peuvent avoir des répercussions néfastes sur leur intégrité tant physique que mentale.

Certains milieux professionnels sont propices au développement de pathologies psychiques notamment chez les sujets exposés à des rythmes de travail inadaptés, les conduisant à l’impossibilité de conjuguer vie professionnelle et vie privée. L’absence de cet équilibre participe aussi au syndrome d’épuisement professionnel.

Les méthodes d’encadrement et de management devront muter à terme vers plus de flexibilité et de reconnaissance des limites que peuvent supporter les salariés au quotidien. Il est anormal que le travail devienne une cause symptomatique des pathologies psychiques dont peuvent souffrir certains salariés.

Si les employeurs en sont la cause, ne serait-il pas normal que les entreprises soient davantage mises à contribution en ce qui concerne la prise en charge de ces souffrances ? Nous pouvons espérer que la loi Rebsamen incarnera ce premier pas.

Auteur de l'article: Isabelle Vidal-Leon

Juriste en droit privé et droit social, Isabelle exerce en indépendante depuis quelques années le métier de conseil aux entreprises et de formatrice en droit social. Elle travaille également depuis quelques années comme consultante auprès des particuliers pour le traitement de litiges divers liés au travail.