Le plan d’épargne entreprise : oui, mais…

Par Charleine AmelineLe 12 octobre 2017

Parmi les dispositifs d’épargne à l'image du PEL, le plan d’épargne entreprise (PEE) est le plus utilisé (DARES Résultats, septembre 2016). Avec près de neuf millions de salariés adhérents, l’épargne salariale a donc le vent en poupe.

Trois cent mille entreprises gèrent au moins un plan d’intéressement, de participation ou encore d’épargne retraite.

Comment fonctionne un plan d’épargne entreprise ?

Tous les salariés ont accès au plan d’épargne entreprise. Le Code du travail offre à toutes les entreprises la possibilité de mettre en place un plan d’épargne salarial, quelles que soient leur taille ou leur forme juridique. Le même dispositif peut être mis en place au niveau du groupe, c’est le plan d’épargne groupe (PEG). Plusieurs entreprises indépendantes peuvent également s’entendre et établir un plan d’épargne interentreprises (PEI). Ces plans d’épargne collective sont accessibles à tous les salariés de l’entreprise concernée. Seule une condition d’ancienneté peut être imposée. L’article L3342-1 du Code du travail la limite à trois mois de présence. Dans certaines structures, le plan d’épargne en entreprise ne concerne pas uniquement les salariés.

Lorsque l’effectif ne dépasse pas deux cent cinquante personnes, il peut aussi bénéficier au chef d’entreprise, ou à ses mandataires sociaux.

Mise en place d’un plan d’épargne entreprise

L’instauration d’un plan d’épargne entreprise repose sur la signature d’un accord collectif au sein de la société. À défaut, l’employeur est habilité à le mettre en place unilatéralement, après consultation des représentants du personnel. Chaque salarié doit être informé de la présence d’un tel dispositif et de son fonctionnement. Les juges exigent que cette information soit complète et actualisée. Ils n’hésitent pas à condamner les employeurs qui manquent à leur obligation à une peine de dommages et intérêts (Cass. Soc. 5 mars 2008 N°06-45.205).

Question

Mais à propos, un PEE comment ça marche ?

Un plan d’épargne entreprise permet aux salariés d’investir leur argent dans diverses valeurs mobilières de placement (VMP). La nature des titres financiers qu’ils sont susceptibles d’acquérir figure dans le règlement du plan. Les salariés souscrivent des parts d’un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM). Ils lui confient une partie de leur salaire. L’organisme se charge ensuite de la gestion du dispositif. Il place les fonds récoltés sur les marchés financiers : marché actions, obligataire ou monétaire. Par prudence, il choisit parfois de constituer un portefeuille amalgamant différents titres. L’entreprise peut aussi profiter de l’opération pour écouler ses propres actions. Le vocabulaire de la Finance n’est pas d’un accès aisé pour le commun des mortels.

Le profane aura peut-être besoin de quelques définitions.

L’alimentation du plan d’épargne entreprise

Les fonds placés sur un plan d’épargne mis en place au sein de l’entreprise proviennent de différentes sources de financement. Le salarié peut décider de consacrer volontairement une partie de son revenu à l’alimentation du compte. Les sommes issues de sa propre poche ne doivent pas représenter plus de 25% de son salaire annuel brut. Le salarié peut reverser certaines sommes perçues au titre d’autres dispositifs d’épargne salariale, sa prime d’intéressement ou de participation par exemple.

Le transfert d’une partie des droits acquis au titre du Compte épargne temps (CET) est également envisageable.

L’entreprise participe, elle aussi, à l’abondement du plan d’épargne entreprise. Le capital qu’elle injecte est plafonné à trois fois le montant de l’investissement du salarié, ou à 8% du plafond annuel de la Sécurité sociale. Fiscalement intéressant, cet abondement est parfois la cible de certaines malversations patronales. Mais les juges veillent au grain. Un employeur a, par exemple, été contraint d’effectuer le rappel sur plusieurs années d’une prime de treizième mois. Celui-ci avait décidé de consacrer la prime à l’abondement du plan d’épargne d’entreprise.

Jurisprudence

Cette ponction sur les salaires des travailleurs de l’entreprise a été jugée totalement illégale par la Chambre sociale (Cass. Soc. 10 mai 2017 N°05-45.676).

Les intérêts du plan d’épargne entreprise

Le plan d’épargne entreprise est souvent présenté comme un outil de financement adapté à des projets à moyen terme. Les plus-values réalisées au titre d’un plan d’épargne propre à l’entreprise ne peuvent pas être utilisées immédiatement. Elles restent gelées sur le compte pendant cinq ans. Il existe des situations exceptionnelles à l’occasion desquelles le salarié peut demander, avant terme, la liquidation de son compte. Les articles R3332-29 et R3324-22 du Code du travail en dressent une liste exhaustive. C’est notamment le cas lors de certains événements familiaux comme un mariage, un divorce ou encore une naissance. Le déblocage est aussi possible lorsque le salarié quitte l’entreprise, que ce soit à la suite d’un licenciement, d’une démission, d’une rupture conventionnelle ou de sa retraite. À son départ, il doit être informé de la possibilité qui s’offre à lui.

Mais la rupture du contrat n’emporte pas obligatoirement la clôture du compte de l’épargnant.

À son départ, le salarié est en droit de conserver son compte et de continuer à l’alimenter. Il ne pourra, en revanche, plus compter sur les abondements de son ancien employeur. Les frais de gestion seront mis à sa charge. Attention, les montants sont parfois élevés ! Dans l’hypothèse où le salarié a retrouvé un travail, il peut aussi opter pour la portabilité de ses droits. Il transfère son capital initial sur le compte ouvert pour lui par son nouvel employeur. À cette occasion, les sommes peuvent aussi être redirigées vers un Plan d’épargne retraite collective (Perco). Ce type de placement bénéficie aussi d’une fiscalité attractive.

Aussi, à l’échéance des cinq ans, le salarié peut procéder à la liquidation de son compte. Il récupère sa mise de départ et les éventuelles plus-values réalisées.

Ces sommes sont exonérées d’impôt sur le revenu. Elles restent soumises aux cotisations sociales, à la Contribution sociale généralisée (CSG) et à la Contribution à la réduction de la dette sociale (CRDS). En ce qui concerne l’alimentation du compte, le capital versé volontairement par le salarié est assujetti à l’impôt sur le revenu ainsi qu’aux cotisations sociales. Les primes d’intéressement et de participation affectées au compte d’épargne entreprise en sont, quant à elles, exonérées. L’abondement de l’employeur l’est également, à la condition que le montant versé ne dépasse pas les plafonds imposés par la loi. Le forfait social, la CSG et la CRDS restent toujours exigibles.

Plan d’épargne entreprise : attention danger !

Les gouvernements successifs n’ont de cesse de vanter les mérites de l’épargne salariale. Celle-ci présente des avantages, certes. Mais l’attractivité du plan d’épargne entreprise ne doit pas en camoufler les dangers. Le rendement d’un tel dispositif peut paraître intéressant… à la condition que le marché se porte bien. Et si les cours s’effondrent ?

Cas pratique

Les sommes épargnées sont soumises aux fluctuations de la bourse.

Les salariés investissent le fruit de leur travail sur des marchés financiers, par définition fluctuants et instables. Ce système fait prendre d’énormes risques à des personnes qui n’en maîtrisent généralement ni les codes ni les règles. Le fonctionnement opaque des organismes de gestion de l’épargne salariale laisse peu de marge de manœuvre aux salariés sur la gestion de leurs placements. Si ce n’est aucune. À qui profitent réellement les dispositifs d’épargne salariale ? Aux banques assurément ! Les investissements boursiers garantissent à ces dernières de facturer des frais de gestion bien plus élevés qu’un placement sur livret par exemple. Ils constituent des opérations rentables.

Peut-on encore accorder cette confiance aveugle aux institutions financières ? Le krach boursier de 2008 nous laisse en droit de nous poser la question.

Auteur de l'article: Charleine Ameline

Juriste en droit social, Charlène Ameline a commencé par exercer son métier dans une organisation syndicale. Aujourd'hui en freelance, elle s’est spécialisée dans la rédaction d'articles web sur les différents thèmes du droit du travail. En septembre prochain, elle commencera une préparation à l’examen d’entrée à l’école des Avocats.