Définition du portage salarial

Par Olivia RougeotLe 9 mars 2017

Le recours au portage salarial nécessite d’en connaître les fondements élémentaires. Contrairement à l’intérim, le portage ne convient pas à la personne qui souhaite réaliser une mission ponctuelle, et il n’a d’ailleurs pas été conçu pour cela. En effet, le portage a été pensé au départ pour répondre aux besoins réguliers des cadres, au chômage ou non, souhaitant poursuivre leur activité/travailler différemment tout en bénéficiant du statut protecteur de salarié.

Alliant autonomie et sécurité juridique, le portage salarial s’illustre alors comme une parfaite alternative.

Le portage salarial implique une relation contractuelle de travail tripartite entre un salarié porté, une entreprise de portage et une entreprise cliente. Dans cette relation, le salarié porté ayant un contrat de travail avec l’entreprise de portage réalise une prestation pour le compte d’une entreprise cliente, elle-même liée contractuellement à l’entreprise de portage. Autrement dit, dans cette relation contractuelle, deux contrats sont conclus : un contrat de travail (CDD ou CDI) entre le salarié porté et l’entreprise de portage (Cass. Soc 16 décembre 2009 n°08-17.852) et un contrat de prestation de services de nature commerciale entre la société de portage et l’entreprise cliente.

Entreprise de portage salarial

L’entreprise de portage est donc le réel employeur du salarié porté. Ainsi, elle est encadrée juridiquement. Avant tout, il faut savoir que ladite entreprise doit exercer exclusivement l’activité de portage salarial (article L1254-24 du code du travail) pour être reconnue comme telle. Concernant ensuite l’exercice de son activité, l’entreprise de portage doit, nécessairement et avant tout exercice, faire une déclaration préalable d’activité adressée à l’inspection du travail (article L1254-27 du code du travail). Elle doit enfin justifier d’une garantie financière pour garantir versement du salaire et indemnités du salarié porté et cotisations sociales en cas de défaillance de paiement de sa part (article L1254-26 du code du travail).

Le législateur a donc pris soin d’encadrer les pouvoirs de l’entreprise de portage afin d’éviter les dérives potentielles de ce type d’opération contractuelle.

Salarié détenteur d'un contrat porté

Toute personne justifiant d’un niveau de qualification d’autonomie et d’expertise suffisantes, peut être un salarié porté (article L1254-2 du code du travail). Néanmoins, en pratique il faut l’avouer, ce type de relation contractuelle convient le plus souvent aux cadres qui répondent parfaitement aux critères du salarié porté. Le salarié porté va alors bénéficier des avantages et de la sécurité juridique du statut de salarié. En conséquence, les critères du contrat de travail se retrouvent dans l’opération contractuelle comme le lien de subordination. Comme tout salarié, le salarié porté est soumis juridiquement à un employeur qui est l’entreprise de portage salarial avec qui il a conclu son contrat de travail.

Jurisprudence

À toutes fins utiles, il faut savoir que dans sa relation contractuelle avec le salarié porté, l’entreprise de portage salarial n’est pas juridiquement tenue de fournir du travail au salarié porté, et ce en rupture avec la jurisprudence antérieure à l’ordonnance de 2015 (Cass. Soc. 17 février 2010 n°08-45.298).

En effet, il revient au salarié porté d’agir en autonomie dans le cadre de son contrat. Autrement dit, il lui incombe de démarcher la ou les entreprises clientes, de convenir avec elles des conditions d’exécution de sa prestation et d’un prix de prestation. L’autonomie du salarié porté est donc au cœur de sa mission.

La rémunération issue d’un contrat en portage salarial

Comme tout salarié, le salarié porté bénéficie d’une rémunération versée par son employeur, en l’occurrence la société de portage. La rémunération du salarié porté est le fruit d’un accord avec son employeur, mais des minimums légaux doivent être respectés en vertu de l’article L1254-2 du code du travail. Ces minimums légaux sont définis par principe à l’appui d’un accord de branche étendu ou à défaut, il sont établis à soixante-quinze pour cent du montant mensuel de la sécurité sociale pour une activité à temps plein (article 241-3 du code de la sécurité sociale). Le code du travail prévoit la possibilité de conclure tant un CDD qu’un CDI. Cette option offerte est donc le fruit d’une négociation entre le salarié porté et l’entreprise de portage. Par ailleurs, il est utile tout de même de savoir que la rupture du contrat commercial de prestation entre l’entreprise de portage et l’entreprise cliente n’entraîne pas la rupture du contrat de travail du salarié porté.

En effet, les deux contrats bien que liés sont indépendants.

Rôle et obligations de l’entreprise cliente

L’entreprise cliente quant à elle est liée par un contrat de prestation de service à l’entreprise de portage, dont l’objet est l’exécution d’une tâche. La tâche dont il est question est encadrée juridiquement et ne peut être n’importe laquelle. En effet, l’ordonnance n°2015-380 du 2 avril 2015 relative au portage a pris soin de préciser les cas dans lesquels le recours au portage est autorisé et ceux dans lesquels il est interdit. L’entreprise cliente ne peut recourir au portage que pour l’exécution d’une tâche occasionnelle ou pour une prestation ponctuelle qui nécessite une expertise qu’elle ne peut réaliser elle-même. Autrement dit, le recours au portage salarial ne doit pas concerner l’activité normale et permanente de l’entreprise (article L1254-3 du code du travail).

Outre le fait par une lecture à contrario de l’article précité que l’entreprise cliente ne peut recourir au portage pour l’exécution d’une tâche concernant l’activité normale et permanente de l’entreprise, le code du travail a pris le soin de lister deux cas exclus de recours au portage en raison de leur objet.

Ainsi l’article L1254-4 du code du travail interdit le recours au portage ayant pour objet le remplacement d’un salarié dont le contrat est rompu du fait d’un conflit collectif de travail et l’exécution de certains travaux particulièrement dangereux. En outre les activités de services à la personne de l’article L7231-1 du code du travail (garde enfant, assistance d'une personne âgée…) ne peuvent pas non plus faire l’objet de portage.

Lien avec l’entreprise de portage salarial et le salarié

L’entreprise cliente est au cœur de la relation contractuelle tripartite en ce qu’elle est liée contractuellement avec l’entreprise de portage, mais aussi liée au salarié porté puisque c’est lui qui va effectuer la prestation au prix convenu. Concernant sa relation avec le salarié porté, l’entreprise cliente négocie la prestation et son montant avec le salarié porté, élément que reprendra le contrat commercial de prestation (article L1254-22 du code du travail). De plus, l’entreprise cliente est responsable pendant la durée d’exécution de la prestation des conditions d’exécution du travail notamment concernant la santé et la sécurité (article L1254-23 du code du travail). Concernant sa relation avec l’entreprise de portage, l’entreprise cliente va effectuer le paiement de la prestation directement à la société de portage (à charge ensuite à elle de payer le salarié porté).

Infractions pénales et portage salarial

De nombreuses infractions pénales peuvent intervenir en matière de portage salarial. Du côté de l’entreprise de portage, par exemple le fait d’exercer son activité sans avoir souscrit une garantie financière ou sans avoir effectué la déclaration préalable auprès de l’inspecteur du travail est puni de 3750 euros d’amende (article L1255-14 du code du travail). Également du côté de l’entreprise cliente, est puni d’une amende de 3750 euros le fait de méconnaitre les cas interdits par le législateur pour recourir à un salarié porté (article L1255-16 du code du travail). Permettant autonomie sans bafouer sécurité juridique, le portage est donc un incontournable à connaître. Néanmoins, son coût peut quant à lui rebuter les futurs cadres désireux d’opter pour ce modèle.

En effet, au montant hors taxe facturé à l’entreprise cliente se retirent les commissions prélevées par la société de portage, les cotisations patronales et salariales pour donner le salaire net qui sera versé au salarié. Alternative contractuelle certes, mais coûteuse…

Auteur de l'article: Olivia Rougeot

Olivia est diplômée d'un master 2 pratiques pénales obtenu à l'université de Montpellier et titulaire du CRFPA. Actuellement, Olivia prépare un diplôme en droit de la santé pour diversifier son domaine de compétences. Elle intervient en parallèle en tant que rédactrice, une expertise acquise entre autre dans le cadre de ses multiples stages dont un au cœur d’un commissariat.