Qu’en est-il de la liberté religieuse ?

Par Mathilde SebastianLe 10 août 2016

L’époque où l’État et l’Église étaient associés pour prendre des décisions et où l’État devait subvenir aux besoins de l’Église est révolue. En effet, depuis la loi de 1905, l’État et l’Église n’avancent plus coude à coude. Il y a une séparation de ces derniers. Par ailleurs, notre douce France n’est plus un pays chrétien. Le Préambule de la Constitution de 1946 est venu consacrer le principe de laïcité, c’est-à-dire de neutralité religieuse.

L’État mais aussi les services publics doivent être neutres face à la religion et aux croyances de tout un chacun.

La question de savoir ce que représente la liberté religieuse à ce jour mérite tout de même d’être posée. En effet, cette notion, bien qu’existante depuis de nombreuses années pose aujourd’hui quelques difficultés et problèmes. Liberté religieuse oui, mais nombreux sont à proclamer la nécessité de n’avoir qu’une seule religion et commettent des crimes à ce titre. Hormis ce débat, la liberté religieuse trouve ses sources dans l’article 18 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, venant protéger de façon concomitante la liberté d’opinion, mais aussi la liberté religieuse. S’apparentent à ces deux libertés, la liberté de pensée et la liberté de conscience.

Comme toute liberté, bien qu’elle soit protégée, elle ne peut pas être absolue et doit respecter certaines limites. En effet, elle ne doit pas se heurter ou s’opposer aux autres libertés.

Une importante protection de la liberté religieuse

Parallèlement à l’article 18 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales vient consacrer la liberté religieuse. La Convention européenne vient ajouter que la liberté de religion implique également le droit de changer de religion et de l’exprimer. Allons même plus loin, cette liberté concerne aussi les non-croyants c’est-à-dire les athées (CEDH, 25 mai 1993, n°14307/88). L’article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne reprend la consécration de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. La liberté religieuse implique également l’interdiction des discriminations à ce sujet, le fait de changer de religion, d’en faire part aux autres et d’essayer de convaincre son prochain.

Mise en garde

Il est bon de savoir qu’il est possible d’essayer convaincre autrui d’adopter les mêmes croyances à condition qu’il ne s’agisse pas de prosélytisme, c’est-à-dire de fanatisme.

Existe-t-il une réelle liberté religieuse au travail ?

Libre au salarié d’être chrétien, juif, musulman, bouddhiste ou autre… L’alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946 consacre la liberté religieuse au travail. L’employeur ne peut pas licencier un salarié ou refuser de l’embaucher en raison du choix de son culte religieux. Par ailleurs, il ne peut pas lui interdire de faire part de sa religion à ses collègues par exemple. En revanche, il peut apporter des limites justifiées et proportionnées à l’objectif recherché (article L1321-3 du code du travail). Si elles ne sont pas respectées, il pourra le sanctionner, voire même le licencier.

Question

À quelles conditions l’employeur peut-il limiter la liberté d’expression religieuse ?

La liberté religieuse peut être restreinte en raison des obligations contractuelles auxquelles le salarié est tenu. Concrètement, l’employeur n’a pas à adapter les tâches du salarié par rapport à son culte (article L1121-1 du code du travail). D’autre part, la sécurité est un motif de restriction. Le port du voile peut, par exemple, ne pas être adapté à certaines protections comme un casque de sécurité. L’hygiène peut également être une condition acceptée.

En réalité, il convient de distinguer les entreprises privées des entreprises publiques.

Rappelez-vous de l’affaire où une salariée avait été licenciée parce qu’elle portait le voile sur son lieu de travail, un accueil de la petite enfance. La Cour de cassation avait jugé le licenciement comme abusif, car la crèche étant un établissement privé, elle ne pouvait pas licencier un employé à ce titre. En revanche, les salariés des services publics ou des entreprises chargées d’une mission de service public doivent respecter les principes de neutralité, mais aussi de laïcité. Ces principes sont applicables que l’employé soit, ou non, en contact direct avec ses usagers ou le public. Il est donc possible de licencier une salariée d’une entreprise privée chargée d’un service public au motif qu’elle refuse d’enlever son voile (Cass. Soc. 19 mars 2013, n°12-11.690).

Comment se traduit la liberté religieuse à l’école ?

L’enseignement français est soumis à plusieurs principes fondamentaux à savoir, la liberté de l’enseignement, sa gratuité, sa neutralité et sa laïcité (lois du 28 mars 1882 et du 30 octobre 1886). Elle est également obligatoire jusqu’à 16 ans. Le principe de laïcité s’applique aux enseignants, mais aussi aux programmes scolaires. Il s’étend aux croyances religieuses des élèves c’est-à-dire à la liberté religieuse des jeunes et des plus vieux.

Généralement, les écoles privées sont catholiques. Les écoliers ont donc des cours de catéchisme à ce titre.

La question du port du voile s’est rapidement posée concernant les élèves. La loi du 15 mars 2004 est venue encadrer le principe de laïcité et répondre à cette interrogation. Aujourd’hui, l’article L141-5-1 du code de l’éducation interdit les signes manifestant l’appartenance religieuse. Il peut donc s’agir du voile, mais pas seulement, une croix ou une étoile de David de la taille d’une bouteille paraissent également ostensibles.

Qu’en est-il de la liberté religieuse en prison ?

Les détenus bénéficient-ils d’une liberté religieuse en prison ? Il n’est un secret pour personne que certaines religions conduisent à des restrictions alimentaires. Concrètement, des aliments, notamment le porc, sont interdits, pour les musulmans, mais aussi les juifs. Les établissements pénitentiaires peuvent-ils jongler entre jambon, côte de porc et pâtes à la carbonara sans porter atteinte à leur liberté religieuse ? L’administration se doit de donner aux détenus une alimentation variée, en quantité suffisante, et respectant l’âge et, « dans la mesure du possible », les convictions religieuses de ces derniers (article R57-6-18 du code de procédure pénale). Pour autant, l’établissement n’est pas obligé de respecter les croyances religieuses au niveau alimentaire (CE, 25 févr. 2015, n°375724).

Outre les denrées, qu’en est-il des pratiques religieuses ?

Les détenus peuvent pratiquer la religion de leur choix en vertu de la liberté religieuse. Ils peuvent donc prier s’ils le souhaitent ou encore jeûner. Des aumôniers de sept religions peuvent intervenir au sein des établissements. Il s’agit des religions chrétienne, protestante, orthodoxe, juive, musulmane, bouddhiste et même les témoins de Jéhovah (CE, 16 oct. 2013, n°351115).

Les restrictions encadrant la liberté religieuse

La liberté religieuse peut être restreinte à plusieurs titres. Tout d’abord, tel est le cas lorsqu’il s’agit de la sécurité publique. Pensons à la carte d’identité, le passeport ou même le permis de conduire. L’article 5 du décret n°99-973 impose de ne pas porter de couvre-chef et que le visage ne soit pas dissimulé. Le Conseil d’État a jugé qu’il était possible de porter atteinte à la liberté religieuse dans un but tout simple : pouvoir reconnaître le titulaire du titre (CE, 27 juill. 2001, n°216903). Toujours en ce sens, la loi du 11 octobre 2010 interdit la dissimulation du visage dans les lieux publics, notamment le port du voile intégral. La Cour européenne des droits de l’homme a conclu que cette loi était justifiée et proportionnée (CEDH, 1er juill. 2014, n°43835/1).

C’est pour concilier la liberté religieuse et les autres libertés que l’école et les entreprises posent également des limites à ce principe.

Auteur de l'article: Mathilde Sebastian

Juriste de droit privé, Mathilde aspire à la profession d’avocat et rédige en parallèle des articles juridiques en droit de la famille, matière qui lui est familière en raison de son cursus. Elle a acquis une certaine expérience auprès de plusieurs professionnels du droit (cabinet d’avocats, étude de mandataire-liquidateur et entreprise privée).