Le reçu pour solde de tout compte

Par Olivia RougeotLe 9 avril 2017

Le reçu pour solde de tout compte incarne le document par lequel, l’employeur fait la liste des derniers éléments de rémunération dus au salarié qui quitte l’entreprise. La rupture du contrat de travail est souvent une importante source de conflits. Pour réduire les risques de différends, le législateur a notamment pensé au solde de tout compte.

Mais dans les faits, ce document réduit-il réellement les situations conflictuelles ?  

Sommes figurant sur le reçu pour solde de tout compte

Il est important de savoir que le contenu de ce document a été particulièrement modifié par la loi n°2008-596 du 25 juin 2008 dont l’ambition affichée fut de moderniser le marché du travail. Cette loi trouve ainsi à s'appliquer aux reçus remis au salarié depuis le 27 juin 2008. Ce document dresse l’inventaire exact de ce qui aura été versé au salarié dès lors qu’il sortira définitivement des effectifs de l’entreprise (article L1234-20 du code du travail). Il fait en conséquence apparaître le dernier salaire, les congés payés non soldés, les heures supplémentaires à payer et toutes sommes devant être versées (indemnités de licenciement par exemple). En revanche, ne figurent pas sur ce document les droits éventuels du salarié, dont le montant est inconnu de l'employeur et du salarié lorsque le reçu est signé. On fait ici référence en particulier à la prime d'intéressement non exigible au moment où est établi le reçu (Cass. Soc. 29 janvier 1997 n°92-45.132).

Il est remis au salarié contre un reçu d’où le terme de « reçu pour solde de tout compte ». Ce reçu est donc la preuve que les sommes indiquées ont été acquittées au profit du salarié visé.

Qui délivre le reçu pour solde de tout compte ?

Un tel reçu est obligatoire pour tous les salariés. C’est notamment ce qui a été confirmée par la position des magistrats de la Cour de cassation (Cass. Soc. 18 décembre 2013 n°12-24-985). Le législateur ne prévoit aucune exclusion à cette obligation (Circulaire Min. DGT n°2009-5 du 17 mars 2009). Il vise en conséquence tous les salariés peu importe la nature de leur contrat de travail (CDD, CDI…) et quel que soit le mode de rupture (licenciement, démission, rupture conventionnelle…). Autrement dit, à l’occasion de la fin de toute relation contractuelle, un reçu pour solde de tout compte doit être délivré au salarié par l’employeur.

Il peut être remis en main propre contre décharge ou envoyé sous pli recommandé avec avis de réception.

Quoi qu’il en soit, il est primordial de le dater et de l’établir en deux exemplaires originaux dont l’un sera adressé au salarié et l’autre conservé par l’employeur (article D1234-7 du code du travail).

Quand fournir le reçu pour solde de tout compte ?

Le reçu pour solde de tout compte est un document inhérent à la fin du contrat. Il est de facto donné à cette occasion, autrement dit par principe dès la fin du préavis. Lorsque le préavis n’est cependant pas exécuté, la Cour de cassation a pu admettre exceptionnellement qu’il soit délivré lors du départ physique du salarié (Cass. Soc.17 janvier 1996 n°92-42.734). Quoi qu’il en soit, un reçu pour solde de tout compte délivré en cours de contrat pendant que le salarié est toujours sous la subordination de son employeur est sans effet. Plus encore, la remise de ce document tandis que le salarié est toujours en activité (travaille durant le délai-congé) a été qualifiée par les juges, de licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 3 février 2010, n°07-45.279).

Faut-il obligatoirement le signer ?

Le solde de tout compte une fois établi permet au salarié d’avoir une vision précise des sommes qui lui ont été versées à l’occasion de la rupture de son contrat de travail. La signature de ce document n’est pas obligatoire pour le salarié. L’employeur ne peut se réfugier derrière l’absence de signature pour refuser le paiement des sommes dues au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

Conseil d'Expert

Que le salarié signe ou non, l’employeur doit lui verser les sommes indiquées. Néanmoins, il est souvent préférable pour le salarié de ne pas signer le reçu, eu égard au court délai de contestation que fait courir la signature.

Comment contester le reçu pour solde de tout compte ?

Ce document doit être contesté nécessairement par lettre recommandée par le salarié (article D1234-8 du code du travail) en observant un délai imposé par le code du travail. Si le salarié a signé le reçu, il devra procéder à sa contestation dans un délai de six mois suivant sa signature (article L234-20 du code du travail). Si en revanche, le salarié n’a pas signé le reçu, il a valeur de simple reçu. En conséquence, il peut en contester tant le montant global que chaque somme mentionnée sur le reçu. Il faut savoir que le délai légal de prescription en la matière sera porté à trois ans ; délai qui court à la date de remise dudit reçu. Si vous êtes partiellement d’accord avec les sommes apposées sur le reçu, vous pouvez toujours mentionner vos possibles réserves (sommes inexactes, sommes dues incomplètes, calcul des congés approximatif…) avant de procéder à la signature du document en question.

Vos remarques doivent être scrupuleusement précisées pour que l’employeur sache sur quelles sommes, elles portent. Cette mention fera de surcroit obstacle à l’effet libératoire du reçu. Les sommes pourront être contestées ainsi dans un délai de 3 ans.

Une fois la contestation émise, si l’employeur ne fait pas droit à vos demandes ou ne vous répond pas, vous pouvez toujours choisir la voie judiciaire en saisissant le Conseil des Prud’hommes. En effet, il est important de savoir que, passé le délai de six mois (voire de 3 ans), ce document produit un effet libératoire pour l’employeur. Autrement dit, passé ce délai l’employeur sera protégé de toute contestation ou réclamation ultérieures du salarié portant sur les sommes mentionnées, quand bien même ledit document ne précise pas ce caractère libératoire par défaut (Cass. Soc. 4 novembre 2015 n°14-10.657). En revanche le salarié pourra toujours contester d’autres sommes que celles figurant sur le reçu. L’effet libératoire ne vaut en effet que pour les sommes invoquées sur le reçu pour solde de tout compte (Cass. Soc. 18 décembre 2013 n°12-24.985).

Côté employeur, a contrario, la Cour de cassation a pu admettre qu’en cas de trop-perçu du salarié, l’effet libératoire attaché à la signature n’empêchait pas l’employeur de réclamer ledit trop-perçu au salarié concerné.

Reçu pour solde de tout compte et licenciement

Si la signature du reçu produit un effet libératoire pour l’employeur à l’issue d’un délai de six mois, tout recours du salarié sur la relation de travail n’est toutefois pas exclu. Il a pu être jugé en effet que la signature d’un reçu pour solde de tout compte ne vaut pas renonciation du salarié de son droit de contester son licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 4 janvier 2000 n°97-43.052).

Autres documents de fin de contrat

Lors de la rupture du contrat de travail, outre le reçu pour solde de tout compte, l’employeur est tenu légalement de délivrer plusieurs autres documents au salarié. Il devra produire en sus, quels que soient le type de relation de travail et la cause de rupture du contrat, un certificat de travail (article L1234-19 du code du travail), le dernier bulletin de salaire (article L3243-2 du code du travail), une attestation Pôle Emploi. Cette dernière, permet au salarié de faire valoir ses droits à l’assurance chômage (article R1234-9 du code du travail).

Précisions de l'auteur

En somme, et pour se prémunir d’éventuelles relations conflictuelles à l’issue de la rupture contractuelle, il est subséquemment nécessaire de bien connaître l’encadrement législatif du reçu pour solde de tout compte (délais de contestation, mentions obligatoires…) et des autres documents résultant d’une fin de contrat…

Auteur de l'article: Olivia Rougeot

Olivia est diplômée d'un master 2 pratiques pénales obtenu à l'université de Montpellier et titulaire du CRFPA. Actuellement, Olivia prépare un diplôme en droit de la santé pour diversifier son domaine de compétences. Elle intervient en parallèle en tant que rédactrice, une expertise acquise entre autre dans le cadre de ses multiples stages dont un au cœur d’un commissariat.