Nouvelles règles du licenciement économique

Par Adrien KrasLe 18 octobre 2016

La réforme du licenciement économique fait sans nul doute partie des mesures les plus controversée de la récente loi Travail. La question de l’équilibre entre sécurité de l’emploi et flexibilité du marché du travail est en effet au centre du débat en ces temps de crise économique. Nul doute qu’en revenant sur l’interdiction des licenciements avant transfert et en encadrant davantage le recours au motif économique, le gouvernement a entendu faire des règles du licenciement économique un véritable outil de régulation de la vie économique.

Définition du motif économique élargie et précisée

Le motif économique de licenciement est constitué de deux éléments. En amont, l’élément causal correspond à la situation économique à laquelle est confrontée l’entreprise. En aval, l’élément matériel désigne la conséquence qui en découle sur l’emploi : suppression et transformation de poste ou modification nécessaire du contrat de travail refusée par le salarié.

La loi Travail est venue encadrer et préciser la définition de ce motif au travers de nouvelles règles du licenciement économique qui entreront en vigueur le 1er décembre 2016.

Au titre de l’élément causal, le code du travail se contentait jusqu’ici de viser expressément les seules difficultés économiques et mutations technologiques. Il convient désormais d’y ajouter le cas de l’entreprise mettant fin à son activité et celui de sa réorganisation répondant à la nécessité de sauvegarder sa compétitivité (article L1233-3 du code du travail). Il ne s’agit pas d’une réelle nouveauté mais d’une simple consécration législative puisque ces motifs de licenciement étaient admis de longue date par la jurisprudence.

Le réel apport de la loi Travail se trouve plutôt au niveau de la caractérisation des difficultés économiques.

Leur appréciation, au niveau de l’entreprise ou le cas échant du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient, était en effet jusqu’ici laissée à l’appréciation des juges, chargés de déterminer si celles-ci étaient ou non suffisamment sérieuses pour justifier le licenciement contesté.  Désormais, ces difficultés économiques devront impérativement résulter de l’évolution sensible d’au moins un indicateur économique significatif. Le texte vise notamment, outre les pertes d’exploitation et la dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, la diminution du volume des commande ou du chiffre d’affaire. Cette baisse doit alors être caractérisée sur un nombre de trimestres consécutifs variable en fonction de l’effectif de l’entreprise : un seul pour une entreprise de moins de 11 salariés, deux jusque 49 salariés, trois jusque 299 salariés et quatre à partir de 300 cents salariés. Pour apprécier cette diminution, une comparaison sera opérée avec les chiffres l’année précédente sur la même période.

Avis d'Expert

Le juge voit donc sa marge de contrôle considérablement réduite puisqu’il sera désormais tenu de valider le motif économique dès lors qu’il constatera que ces conditions sont objectivement remplies.

Ainsi, si la Cour de cassation considérait jusqu’ici qu’une baisse des bénéfices et du chiffre d’affaires de 1992 et 1933 ne pouvait suffire à justifier la suppression du poste de chef comptable dans le cadre de la réorganisation d’une l’entreprise (Cass. Soc. 6 juillet 1999 n°97-41.036), de telles difficultés seraient aujourd’hui susceptibles de justifier un tel licenciement.

Toutefois, cet encadrement de la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires sécurise autant qu’il contraint l’employeur souhaitant procéder à un licenciement économique, puisque celui-ci ne pourra se prévaloir de difficultés moindres. S’agissant de l’élément matériel, les nouvelles règles du licenciement économique prévoient que son existence doit être caractérisé au niveau de l’entreprise. S’il ne s’agit, là encore, que de la simple reprise d’une solution adoptée de longue date par la jurisprudence, cette précision a son importance.

Cas pratique

Imaginons, par exemple, un groupe constitué de deux filiales, les sociétés Ricrac et Saroule. Dans le cadre d’une réorganisation, le proverbial M. X est licencié pour motif économique par Ricrac et remplacé par M. Y dont le poste de travail au sein de Saroule est supprimé. La société Ricrac fait valoir que le congédiement de M. X est justifié par la suppression du poste de M. Y. Ce licenciement est toutefois dénué de cause réelle et sérieuse puisque, s’il y a bien eu suppression d’un poste de travail, celle-ci n’a pas eu lieu au sein de l’entreprise qui a procédé au licenciement.

Nouvelles règles du licenciement économique avant transfert

Jusqu’alors, la jurisprudence refusait de valider les licenciements économiques prononcés par le cédant à l’occasion d’un transfert d’entreprise. Cette pratique contrevenait en effet à l’article L1224-1 du code du travail, lequel impose dans une telle hypothèse le transfert automatique des contrats de travail en cours au cessionnaire. Un gérant de station-service, M.Y, avait ainsi licencié pour motif économique, un couple d’employés, alors même que l’exploitation de l’établissement était poursuivie par un certain M. Z. Ce licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse du fait que le transfert des contrats de travail s’imposait à M. Z en application de l’article précédemment cité. Les salariés se sont alors vu laisser le choix entre demander au cessionnaire la poursuite de leur contrat de travail ou, à défaut, l’indemnisation de leur préjudice par le cédant (Cass. Soc 20 mars 2002 n°00-41.651).

La loi Florange du 29 mars 2014 avait institué l’obligation pour l’employeur de chercher un repreneur en cas de projet de fermeture d’un établissement (article L1233-57-14 du code du travail). Dans le souci d’encourager le repreneur indécis, les nouvelles règles du licenciement économique permettent désormais d’y avoir recours avant transfert.

Cette autorisation, applicable aux procédures de licenciement engagées à compter du 10 août 2016, est toutefois soumises à certaines conditions. En premier lieu, elle concerne uniquement les entreprises de dimension communautaire ou employant mille salariés et plus, ainsi que celles appartenant à un groupe répondant aux mêmes critères. En second lieu, le plan de sauvegarde de l’emploi (anciennement « plan social », obligatoire dans les entreprises de cinquante salariés et plus lorsque le projet prévoit au moins dix licenciements sur trente jours) doit prévoir le transfert d’une ou plusieurs composantes de l’entreprise. Ce transfert doit être nécessaire au sauvetage d’une partie des emplois et réaliser dans le but d’éviter la fermeture de certains établissements. Enfin, l’entreprise devra avoir accepté une proposition de reprise dans le cadre de l’obligation de recherche d’un repreneur susvisée.

La transmission automatique des contrats de travail du cédant au cédé sera alors limitée aux emplois non supprimés dans le cadre du transfert et le licenciement économique des salariés non repris sera exceptionnellement autorisé (article L1233-61 du code du travail).

Afin d’assurer un contrôle des salariés sur ce type d’opération, les dispositions concernant le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) et l’intervention du comité d’entreprise ont également été révisées. La loi prévoyait ainsi la consultation du comité d’entreprise en cas d’offre de reprise dans le cadre de l’obligation de recherche d’un repreneur (article L1233-57-19). Désormais, en cas de projet de transfert nécessaire pour sauvegarder une partie des emplois et lorsque le PSE est établi par accord collectif (il peut également l’être par acte unilatérale de l’employeur), celui-ci peut prévoir un aménagement des conditions dans lesquelles le comité d’entreprise sera obligatoirement informé et consulté (article L1233-24-2 du code du travail). L’accord fixera alors un délai spécial dans lequel le comité d’entreprise sera consulté sur l’offre de reprise émise.

En outre, le contenu du PSE est enrichi pour inclure, parmi ses mesures visant à esquiver les licenciements, des actions en faveur de la reprise totale ou partielle des activités de l’entreprise dans le but d’éviter la fermeture d’un ou plusieurs de ses établissements (article L1233-62 du code du travail).

Autres règles du licenciement économique

Les nouvelles règles du licenciement économique vont de pair avec la revitalisation de l’emploi. En contrepartie de ces assouplissements en matière de rupture du contrat de travail, quelques « mesurettes » rappellent les entreprises à leur responsabilité sociale. Les règles du licenciement économique obligeaient déjà les entreprises de grande taille procédant à des congédiements d’ampleur, à conclure avec l’administration une convention de revitalisation du ou des bassins d’emplois impactés. Il est aujourd’hui prévu que celle-ci pourra prendre en compte des actions favorable à l’emploi mise en œuvre volontairement par l’entreprise via un document-cadre conclu avec l’État (article L1233-85 du code du travail).

En cas de suppressions d’emploi couvrant trois départements et plus, une convention-cadre nationale de revitalisation sera conclu avec le ministre chargé de l’emploi. Celle-ci devra prévoir une contribution financière de l’entreprise dont le montant sera fonction du nombre d’emplois supprimés et donnera lieu à la conclusion de convention locales entre l’entreprise et le préfet (article L1233-90-1 du code du travail).

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Auteur de l'article: Adrien Kras

Titulaire d’un Master 2 en Droit et du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat, Adrien KRAS a prêté sa collaboration au sein de divers cabinets au service d’une clientèle de particuliers et d’entreprises de toutes tailles. Spécialisé en droit social, il exerce actuellement en qualité de juriste conseil au sein d’une organisation professionnelle.